Il arrive tel un petit vieux. Le corps sec, légèrement courbé, vêtu d'un marcel et d'un pantalon de toile. Prendre le rendez-vous fut fastidieux, car Tadamasa Itatsu a l'oreille fatiguée, n'entend rien au téléphone et n'a pas d'ordinateur pour correspondre par mail. Le rencontrer oblige à la patience d'un échange épistolaire, alors même que le temps semble compté. Car l'homme est un incroyable survivant. Assis sur le tatami de son bureau encombré d'archives et de vieux clichés noir et blanc, son corps s'anime dès la première question. «J'aurai bientôt 90 ans et je suis très en forme, s'exclame Tadamasa Itatsu, tout en sourires et flexions de bras. Ne me comparez pas aux anciens qui ont mal au dos et sont tout recroquevillés. Je fais du tennis trois fois par semaine et je gagne à chaque fois que je vais à un championnat !»
Le tennis n'est pourtant pas ce qui l'a maintenu en vie. Ce fut d'abord la chance, le destin ou, à l'en croire, la malédiction. A 20 ans, au crépuscule de la Seconde Guerre mondiale, il est enrôlé dans les commandos de pilotes chargés de s'écraser sur les navires américains. Il est fait kamikaze, autrement dit condamné à mort par une armée nippone en déroute, mais réchappera à pas moins de trois missions suicides. C'est le désespoir, celui d'avoir survécu quand les autres sont morts, qui l'a paradoxalement fait tenir. «J'ai souvent pensé en finir, avoue-t-il en faisant le geste de se trancher le ventre. C'est insupportable de p