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Libération
Décryptage

Paris prépare le terrain à une opération en Libye

Sahel . Les jihadistes chassés du Mali sont repliés dans le Sud libyen, qui échappe à tout contrôle étatique.
Jean-Yves Le Drian, à Madama, au Niger, le 1er novembre 2015. Le ministre de la Défense sous Hollande a, tôt dans la campagne, soutenu Macron. (Photo AFP)
publié le 2 janvier 2015 à 19h06

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a achevé vendredi une tournée dans le Sahel destinée à accélérer la mobilisation internationale en faveur d’une intervention en Libye. Mais une telle option nécessite d’abord un feu vert politique, en l’état toujours hypothétique.

Pourquoi Paris veut une intervention en Libye ?

Déstabilisés par l’opération Serval au Mali (2013), les jihadistes actifs dans la bande sahélienne se sont réorganisés dans le sud de la Libye, où ils ont établi un nouveau sanctuaire. La multiplication depuis quelques mois des attaques dans le nord du Mali, notamment contre les Casques bleus de la Minusma (Mission de stabilisation des Nations unies au Mali), l’atteste. Enclavé et désertique, le Sud libyen échappe à toute forme de contrôle étatique. Une situation idéale pour les trafiquants et pour les terroristes qui veulent prendre leur revanche.

Paris s’est adapté avec l’opération Barkhane, qui a succédé en août à Serval : environ 3 000 hommes, répartis principalement au Mali, au Niger et au Tchad, sont chargés de traquer les groupes jihadistes. Des postes avancés, proches de la frontière avec la Libye, ont été installés. Et les troupes de Barkhane sont soutenues par des drones d’observation, des hélicoptères et des avions de chasse. Au-delà de la zone sahélienne, Paris souhaite aussi agir vite pour empêcher que le «trou noir» libyen ne permette aux groupes terroristes - des Nigérians de Boko Haram aux réseaux affiliés à l’Etat islamique dans le nord-est de la Libye - de faire leur jonction.

Quelle légitimité aurait une opération militaire ?

En appelant à agir, Jean-Yves Le Drian est à l'unisson avec plusieurs dirigeants de la région. Vendredi, le président du Niger, Mahamadou Issoufou, a ainsi jugé une intervention internationale «indispensable» en Libye pour mettre fin au chaos et favoriser «la réconciliation de tous les Libyens, y compris kadhafistes». Mais il est un préalable indispensable à toute nouvelle opération militaire : un feu vert politique. A Paris, l'Elysée insiste particulièrement sur ce point. «Nous avons besoin de règles, a expliqué François Hollande en novembre. Nous devons tout faire sur le plan politique pour qu'il y ait enfin un Etat qui puisse agir.» Pour passer à l'action, la France et ses partenaires ont donc besoin d'une résolution de l'ONU autorisant une intervention. Ce qui suppose de convaincre la Russie et la Chine, toutes deux échaudées par la précédente intervention en Libye, en 2011, qui avait abouti à la chute de Kadhafi. Autre option possible : un appel à l'aide lancé par une autorité légitime en Libye… Une gageure dans un pays où règne le chaos, tant sur le plan sécuritaire que politique.

Une intervention, et après ?

Sans une coordination étroite entre tous les pays de la région, une nouvelle opération risquerait de repousser le problème terroriste ailleurs dans le Sahel. Pour éviter cet écueil, la coopération de l’Algérie et de l’Egypte, principales puissances militaires de la zone, paraît indispensable. Or, malgré les assurances multiples et variées données par Paris, Alger se méfie plus que tout des agissements dans son arrière-cour de l’ex-puissance coloniale française.

Un soutien des forces libyennes pro-occidentales serait également nécessaire pour empêcher les groupes terroristes de remonter en toute impunité vers le nord du pays. D’autant que déjà engagée en Centrafrique et en Irak, l’armée française ne dispose pas de moyens illimités.