Menu
Libération

Palestine à la CPI : Israël lance sa riposte

Proche-Orient . L’Etat hébreu gèle des fonds assurant le fonctionnement de l’Autorité palestinienne.
publié le 4 janvier 2015 à 20h06

Sur recommandation du cabinet de sécurité restreint qu’il préside, Benyamin Nétanyahou a ordonné le gel des transferts vers l’Autorité palestinienne du produit des taxes et droits de douanes que l’Etat hébreu récolte en son nom depuis 1994. Un pactole de 106 millions d’euros, notamment utilisé pour assurer le fonctionnement de l’administration palestinienne. Ce n’est pas la première fois qu’Israël prend une telle mesure, généralement levée au bout d’un mois ou deux selon l’importance des pressions internationales.

«Investigations». Cette fois, il s'agit de punir l'Autorité palestinienne pour avoir osé demander son adhésion à la Cour pénale internationale (CPI) et annoncé son intention d'entamer des poursuites pour «crimes de guerre» contre plusieurs dirigeants et généraux de l'Etat hébreu impliqués dans les trois opérations militaires menées dans la bande de Gaza depuis 2008. Nétanyahou et son entourage feignent d'être outrés par «cette politique palestinienne du fait accompli», qui bloquerait selon eux «toutes les chances de reprendre les négociations de paix». En réalité, ils s'attendaient depuis longtemps à ce que la Palestine adhère à la CPI. C'est d'ailleurs pour cela que l'avocat général militaire israélien Danny Efroni a annoncé le 10 septembre, soit quinze jours après la fin de l'opération «Bordure protectrice», la création d'une commission d'enquête interne sur les événements qui venaient de se dérouler dans l'enclave palestinienne. Sur la centaine de cas étudiés, 80 à 90 ont été classés sans suite. Mais quelques-uns donnent lieu à des investigations approfondies menées par la police militaire. Les faits les plus graves actuellement examinés se sont déroulés le 1er août à Rafah (sud de la bande de Gaza), lorsque l'artillerie et les chars israéliens bombardaient la zone en représailles à l'enlèvement du cadavre d'un soldat par un commando du Hamas. Plus de 70 personnes, majoritairement des civils, sont mortes ce jour-là. Grâce à l'enregistrement des conversations radio des unités qui opéraient dans la zone durant ce «vendredi noir»,les responsables de la mort d'au moins 50 civils palestiniens ont été identifiés. Selon les médias israéliens, qui ont publié une partie de ces enregistrements malgré la censure militaire, au moins deux lieutenants-colonels et un commandant sont dans le collimateur de la justice. Ils devraient être inculpés et jugés cette année.

Recours. Les procédures sont longues en Israël. D'autant plus lorsqu'il s'agit de militaires et de membres des services de sécurité. De jugements en appels et en recours divers, les parties finissent par se retrouver devant la Cour suprême, qui prend le temps de la réflexion. Or, le fait que ces dossiers soient ouverts devant la justice israélienne, comme d'autres concernant les offensives précédentes, coupe l'herbe sous le pied de l'Autorité palestinienne puisque la CPI ne peut pas s'en saisir.

«De la même façon que les soldats de Tsahal nous protègent avec courage et détermination, nous ne permettrons pas qu'ils soient traînés devant le tribunal siégeant à La Haye», a confirmé Nétanyahou en préambule au Conseil des ministres de dimanche. «Ceux qui doivent être poursuivis, ce sont les dirigeants de l'Autorité palestinienne qui ont fait alliance avec les criminels de guerre du Hamas.» L'entourage du Premier ministre prétend d'ailleurs que l'Etat hébreu poursuivra le président de l'Autorité, Mahmoud Abbas, et d'autres personnalités palestiniennes. Pas devant la CPI, puisqu'Israël n'a pas signé la convention ad hoc, mais dans l'Etat de New York, où ses chances d'obtenir une condamnation pour «terrorisme» sont plus importantes.