Menu
Libération

En prison, un risque de contagion

Prises d'otages à Paris et Dammartin-en-Goëledossier
152 personnes sont incarcérées pour faits de terrorisme en lien avec l’islamisme.
publié le 8 janvier 2015 à 20h06

Les deux tireurs de Charlie Hebdo n'ont pas découvert l'islam radical en prison. Saïd Kouachi n'y a jamais séjourné. Son frère Chérif est passé à Meaux (Seine-et-Marne) et Fleury-Mérogis (Essonne), mais il se rêvait jihadiste avant de connaître l'enfermement (lire aussi pages 4-5). Peut-être a-t-il parachevé son parcours vers le terrorisme entre les murs : il aurait pu y croiser Djamel Beghal, dont il sera proche par la suite, condamné pour un projet d'attentat contre l'ambassade des Etats-Unis. Cette rencontre n'est pas confirmée par la chancellerie, Beghal étant alors à l'isolement.

«Pour ces détenus musulmans qui tomberont dans l'action violente, la prison peut être une étape, mais elle n'est qu'une étape», expliquait à Libération, en juin, Yanisse Abdeslam-Warrach, l'aumônier musulman de la prison d'Alençon-Condé-sur-Sarthe (Orne). «Seules 16% des personnes actuellement incarcérées pour des actes liés au radicalisme islamiste avaient déjà été incarcérées», explique la chancellerie. Aujourd'hui, sur ces 152 personnes emprisonnées, «60 posent des difficultés de gestion, car elles ont une attitude prosélyte qui nécessite une surveillance. Et parmi ces 60 détenus, 22 sont réfractaires à toute forme d'autorité», énumère le ministère de la Justice. Ceux-là sont répartis dans plusieurs prisons et leur gestion par l'administration relève de celle qui est classiquement réservée aux profils type «caïdat» (mise à l'isolement notamment) : «Si on les rassemblait, la situation pourrait être explosive.»

Pour 22 autres détenus de Fresnes (Val-de-Marne), la pénitentiaire a lancé une expérimentation les réunissant dans un même quartier, sans lien possible avec les autres détenus. « Ça a fait sauter la chape de plomb sur les autres détenus musulmans, assure la chancellerie. Et cela permet aussi de faire un travail plus ciblé sur ce groupe.» L'administration travaille notamment à un programme de «déradicalisation» avec la Mivilude (mission interministérielle de lutte contre les sectes), l'Institut du monde arabe et des psychiatres.

C'est l'état-major de sécurité de la pénitentiaire (treize personnes et des correspondants en région), qui est chargé de repérer les détenus radicalisés. Mais, en dix ans, leur profil a changé. «Alors qu'ils étaient très visibles, priaient ostensiblement par exemple, ils sont aujourd'hui beaucoup plus discrets.» La pénitentiaire s'efforce donc de déchiffrer les signes (refus de s'adresser aux femmes, paroles lâchées lors d'une activité…) et vient de lancer une «recherche-action» pour construire un outil adapté à la situation actuelle.