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Libération
Récit

Fin de cavale pour le chef de guerre ougandais Dominic Ongwen

Recherché depuis des années pour son rôle dans la sanglante Armée de résistance du seigneur, il est transféré ce mercredi à la Cour pénale internationale.
Des soldats d'une brigade d'autodéfense ougandaise à la recherche de membres de la LRA, le 24 juin 2014. (Photo Michele Sibiloni. AFP)
publié le 14 janvier 2015 à 16h53

Les Etats-Unis avaient promis 5 millions de dollars pour sa capture. Dominic Ongwen, membre de l’Armée de résistance du seigneur (LRA), créée en 1987 en Ouganda, est finalement tombé la semaine dernière dans les mains de l’armée américaine. L’homme était depuis longtemps dans le viseur de la Cour pénale internationale. Des mandats d’arrêt avaient été lancés en 2005 contre cinq membres de la rébellion, dont Dominic Ongwen. Bientôt transféré à La Haye, il devra répondre de plusieurs chefs d’accusation, dont ceux d’esclavage d’enfants, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Ce transfert, annoncé mardi par l’armée ougandaise, est rendu possible grâce à un accord entre Washington, Kampala et Bangui.

(Photo ci-contre Interpol, non datée) 

Depuis la semaine dernière, Ongwen était aux mains de l'armée américaine en Centrafrique. Les Etats-Unis, qui avaient promis en avril 2013 une récompense de 5 millions de dollars pour sa capture, ont évoqué une reddition et vanté sur Twitter leur partenariat avec l'Ouganda. Pourtant, des miliciens de l'ex-Séléka (la rébellion centrafricaine) revendiquent l'arrestation du rebelle. Pour Paul Ronan, co-fondateur du site The Resolve consacré à la LRA, les circonstances de l'événement ne sont pas claires.

Le transfert d'Ongwen était en cours ce mercredi. L'Union africaine «a reçu Dominic Ongwen des troupes américaines à Obo», a tweeté le porte-parole de l'armée ougandaise, Paddy Ankunda.

«Dominic Ongwen sera envoyé par les autorités de Centrafrique directement à La Haye pour jugement, il ne vient pas en Ouganda», a-t-il ajouté.

Lundi, la chaîne de télévision ougandaise NTV a diffusé l'enregistrement audio d'un homme, identifié comme étant Dominic Ongwen. Dans cet extrait, il dit s'être rendu volontairement aux Américains, appelle les rebelles à déposer les armes et fustige Joseph Kony, le leader de la LRA: «Il veut seulement être le chef et que vous travailliez pour lui comme un esclave.»

L’homme semble convaincu que le président ougandais Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, le pardonnera. Et pour cause, Kampala aurait déjà aministié 12 000 combattants de la LRA par le passé, selon l’AFP. Le chef d’Etat critique régulièrement la CPI, accusée de stigmatiser l’Afrique. Mais l’Ouganda est signataire du traité de Rome et l’aministie présidentielle n’est pas possible en cas de crimes de guerre.

Bourreau et victime

Dominique Ongwen, aujourd'hui âgé d'environ 35 ans, serait responsable de multiples atrocités. Le Conseil canadien du droit des enfants le décrit comme le plus «courageux, loyal et brutal» des hommes qui servent Joseph Kony. «Les accusations portent sur une période où il occupait un grade élevé», a déclaré Michelle Kagari, directrice régionale adjointe d'Amnesty International.

La vie d'Ongwen est entièrement marquée par la guerre. A l'âge de 10 ans, sur le chemin de l'école, il est enlevé et devient enfant-soldat. Comme le raconte au Washington Post Ledio Cakaj, spécialiste de la LRA, Ongwen a été élevé par Vincent Otti, un proche de Joseph Kony, le chef de la LRA. «Un processus juste aidera peut-être à expliquer comment Ongwen est devenu qui il est. Peut-être, pour la première fois, son histoire pourrait être racontée avec ses propres mots», explique le chercheur. Il est le seul, parmi les cinq hommes de l'Armée de résistance du Seigneur recherchés par la Cour pénale internationale, à avoir grandi entièrement au sein de la rébellion. Il sera aussi le premier à être jugé. Vincent Otti et Raska Lukwiya seraient morts. La situation d'Okot Odhiambo reste trouble.

Même si elle semble aujourd'hui défaite en Ouganda, l'Armée de résistance du seigneur continue de sévir en République démocratique du Congo (RDC), au Soudan du Sud et en Centrafrique. Au début des années 2000, les attaques de l'armée ougandaise ont poussé la LRA a s'éparpiller dans ces pays. A la fin de l'année 2014, ils n'étaient plus que 160 environ, selon Paul Ronan, du site The Resolve.

D'après l'ONU, le groupe aurait tué près de 100 000 personnes en Afrique et enlevé plus de 60 000 enfants. D'après le projet humanitaire LRA Crisis Tracker, plus de 2300 civils auraient perdu la vie depuis 2008. Des témoins ont raconté les rites initiatiques abominables auxquels étaient soumis les nouveaux membres de la LRA, enrôlés de force, obligés parfois de mordre et matraquer à mort leur propre famille, de boire du sang. Joseph Kony, numéro un de la LRA, est quant à lui toujours introuvable. Il serait le dernier responsable de l'organisation encore en liberté, selon l'armée ougandaise.