Volgograd pour moins de mille roubles (13 euros) au départ de Moscou, c'est l'une des promos aguicheuses proposées par Pobeda - «Victoire» -, la nouvelle filiale à bas coût lancée par le groupe Aeroflot, contrôlé par l'Etat russe. Depuis le 1er décembre, celle-ci assure des liaisons aériennes à des tarifs inédits sur le marché russe, reliant la capitale à une poignée de villes situées dans la partie européenne de la Russie et dans l'Oural. Dans un pays où les voyages en train peuvent prendre plusieurs jours, l'offre a de quoi séduire.
Fin octobre, le patron d'Aeroflot, Vitali Saveliev, commentait en ces termes le nom de cette filiale : Pobeda «symbolise la victoire inévitable [de la Russie, ndlr] sur les difficultés auxquelles le pays et le peuple ont été confrontés cette année». Suivez mon regard : accusée par les Etats dits occidentaux d'alimenter la fièvre séparatiste dans l'est de l'Ukraine, la Russie fait l'objet de sanctions économiques sans précédent. Le sous-texte politique est clair : la coercition est vaine, nous nous en sortirons. Le discours est en vogue et Vladimir Poutine ne disait pas autre chose lorsqu'il accusait, en décembre, «les Etats-Unis et leurs alliés» de vouloir «freiner les opportunités croissantes de la Russie».
Le projet de création d’un réseau aérien low-cost, sur le modèle des compagnies européennes, a longtemps été tenu en échec en Russie. Il s’était finalement concrétisé au printemps avec Dobroliot, lancée par Aeroflot qui affichait l’ambitieux objectif de transporter 200 000 passagers par an. Dans un pays galvanisé par le «retour» de la Crimée, Dobroliot fait la promotion de vols pour Simferopol, ce qui lui vaut de figurer sur la liste des sociétés russes sanctionnées par l’Union européenne. Six semaines plus tard, elle annonçait la fin de son activité, dans l’incapacité d’honorer ses contrats de location. Pobeda, c’est une «victoire» médiatique commode alors que l’économie nationale titube : confronté à la chute des cours du pétrole et à la forte instabilité de sa monnaie, le pays semble condamné à la récession cette année, selon les prévisions du ministère des Finances.
Opérant les mêmes vols que l’éphémère Dobroliot, Pobeda a néanmoins renoncé à la Crimée. La compagnie ajuste son offre : délaissant Tcheliabinsk et Samara, elle a ouvert il y a quelques jours une liaison avec Makhatchkala, la capitale du Daguestan. A la faveur de la dépréciation du rouble, qui a contraint de nombreux Russes aisés et de la classe moyenne à renoncer à leurs vacances à l’étranger, certaines destinations font le plein. Les vols pour Sotchi, la coûteuse cité olympique, sont complets pour les semaines à venir.