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Libération

Un blogueur saoudien en danger de mort

Le monde arabe en ébullitiondossier
Torture . Pour avoir «insulté l’islam», Raëf Badaoui a notamment été condamné à 1 000 coups de fouet.
publié le 16 janvier 2015 à 22h16

Un journaliste saoudien va-t-il bientôt mourir sous le fouet dans un pays considéré par les pays occidentaux comme l'un de leurs alliés les plus précieux au Proche-Orient ? C'est ce qui menace Raëf Badaoui, le jeune animateur du site internet Liberal Saudi Network, dont l'état de santé, après une première séance de fustigation, est à ce point critique que les autorités ont finalement reporté d'une semaine la seconde séance, qui était prévue vendredi. Hypocrisie saoudienne, un représentant du Royaume avait pourtant défilé à Paris pour Charlie.

Appel. Le seul crime du blogueur est d'avoir critiqué sur ce site, qui a été fermé, la police religieuse, les terribles moutawa'in, et certains édits religieux. Et, autre crime punissable dans le tolérant royaume, d'avoir désobéi à… son père. C'est ce qui lui a valu d'être condamné en novembre à dix ans de prison, une amende d'un million de riyals (230 000 euros) et à 1 000 coups de fouet répartis sur vingt semaines pour «insulte à l'islam». Une première condamnation, l'an passé, à 600 coups de fouet avait été jugée trop clémente par l'accusation.

Les 50 premiers coups de fouet lui ont été infligés le 9 janvier, en public, devant une mosquée de Jeddah, ville pourtant regardée comme… la moins rigoriste d'Arabie Saoudite. La seconde séance a été reportée du fait que, selon le médecin de la prison, ses «blessures n'étaient pas encore cicatrisées correctement et qu'il ne serait pas capable de supporter une autre séance de coups de fouet».

Déjà, l'épouse du journaliste, Ensaf Haidar, avait indiqué à Amnesty International, qu'elle craignait que son mari ne puisse pas supporter physiquement une deuxième séance de fustigation : «Raëf m'a dit qu'il souffrait beaucoup à la suite de sa flagellation, son état de santé n'est pas bon et je suis certaine qu'il ne pourra pas résister à une nouvelle série de coups de fouet.» Elle avait lancé aussi un appel désespéré à la communauté internationale sur les risques de mort prochaine de son mari si celle-ci ne se mobilisait pas : «J'ai déjà annoncé la nouvelle à nos enfants la semaine dernière pour éviter qu'ils ne l'apprennent par des amis à l'école. Ils sont extrêmement choqués.»

«Inhumain». Jusqu'à présent, Riyad n'a pas fléchi malgré la condamnation de Washington, qui a évoqué une «punition inhumaine» pour ce lauréat 2014 du prix Reporters sans frontières pour la liberté de la presse et le rappel par le haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme que la flagellation constitue «une forme de châtiment cruel et inhumain», interdite par la convention contre la torture, d'ailleurs ratifiée par Riyad.

Dans un pays où la dynastie des Al-Saoud a tous les pouvoirs, il serait facile au roi Abdallah de gracier le supplicié. Mais le «protecteur des deux saintes mosquées (La Mecque et Médine)», outre sa santé précaire et sa succession, doit gérer la montée en puissance de l’Etat islamique qui conteste désormais sa légitimité religieuse, ce qu’il fait en se montrant plus cruel encore que l’organisation jihadiste.