«Cela a été une décision très difficile à prendre [le New York Times a choisi de ne pas reproduire la une de Charlie Hebdo, ndlr]. Il y a des arguments sincères et intellectuellement articulés des deux côtés. Il s'agit de trouver un équilibre entre deux objectifs qui se font concurrence. D'une part, donner à nos lecteurs le plus d'informations possible sur un événement important. De l'autre, nous voulons éviter d'offenser inutilement toute personne rationnelle, y compris sur les questions religieuses.
«Nous sommes confrontés quasiment quotidiennement à ce type de dilemme. Devons nous publier des images sanguinolentes d’un bombardement dans une zone de guerre ? Retranscrire des paroles racistes proférées dans un contexte d’actualité chaude ? Dans ce cas précis, nous avons jugé que son potentiel offensant - non pas pour les extrémistes ou les terroristes mais pour les simples musulmans - était très élevé. Et nous avons pensé que l’information pouvait être véhiculée par une description écrite de ces images.
«Nous avons bien entendu débattu de la question de la sécurité : est-ce que la publication de ces images pouvait accroître les dangers encourus par nos reporters ? Mais nous avons estimé que cela n’était pas un facteur déterminant pour motiver notre choix.
«Il y a eu d’intenses discussions. Au final, c’est le rédacteur en chef, Dean Baquet, qui a tranché, mais seulement après avoir écouté les arguments des reporters et des rédacteurs en chefs.
«Comme les journalistes du monde entier, nous soutenons le droit de Charlie et de tout journal de publier ce qu'ils veulent, ce qui inclut leur droit d'offenser qui ils le veulent. Ce sont les journalistes qui décident, et chaque publication est responsable de ses choix.»
Traduit par Matthieu Écoiffier