La situation humanitaire est très préoccupante au Malawi. Le dernier bilan des inondations fait état de 176 morts, 153 disparus et plus de 200 000 déplacés dans ce petit pays de 15 millions d’habitants. Le Mozambique voisin est également concerné, avec au moins 21 morts et 90 000 déplacés, et le Zimbabwe avec 6000 déplacés, selon l’Agence nationale de gestion des catastrophes et la Fédération internationale des sociétés de la Croix Rouge et du Croissant rouge (IFRC).
Mais c'est le sud du Malawi, en partie coupé du monde par l'eau, le plus touché. A Nsanje, chef-lieu de district, les dégâts sont considérables. Ecoles, maisons, jardins vivriers, tout est sous l'eau à part quelques îlots où les rescapés survivent le ventre creux dans des conditions précaires. «On n'a plus rien. Les écoles ont tout perdu», explique Bright Chipojola, le directeur d'une école de Chambulika, un village de pêcheurs. Les enfants ne vont plus en classe jusqu'à nouvel ordre.
Le bourdonnement d’un hélicoptère brise le silence. Des visages s’illuminent, tout le monde court vers le préau d’un bâtiment scolaire qui a échappé à la brusque montée des eaux. L’appareil livre une cargaison de farine de maïs, la base de l’alimentation locale. C’est le même hélicoptère militaire qui a sauvé plusieurs personnes la semaine dernière, mais pas tout le monde: certains habitants sont encore perchés là où ils le peuvent.
L'hélicoptère effectue deux rotations, lâche des couvertures et 80 sacs de farine, qui permettront de cuisiner un repas par famille. Ce n'est pas assez, souligne Modesta Basikolo, responsable du comité de protection civile qui improvise des hébergements pour les sinistrés, tous traumatisés par la rapidité de la montée des eaux et la vue de corps noyés emportés par le courant. «Les gens survivent à peine. C'est dur ici», ajoute Basikolo. Le gouvernement et les ONG ont été «trop lents à réagir […]. Un hélicoptère peut-il apporter assez à manger pour tout le monde ici?»
Manque d’eau potable
«Nous supplions le gouvernement de traiter ça comme une urgence. Nous n'avons pas mangé depuis plusieurs jours, depuis qu'on a été sauvés», dit Matemba Bauleni, un cultivateur de riz, 63 ans, secouru par bateau avec deux de ses petits-enfants. Nsanje est accessible par les airs ou en 4x4, mais le voyage est très long pour parcourir par la route les 200 kilomètres depuis la capitale économique Blantyre plus au nord, et les camions qui auraient dû acheminer l'aide ne passent pas. Dans l'école où a lieu la distribution de nourriture, les salles de classe ont été transformées en dortoir mais il n'y a ni ustensiles ni bois de chauffe pour cuisiner, ni eau courante. Les gens dorment à même le ciment et se soulagent dans des latrines de fortune creusées dehors.
Médecins sans Frontières Belgique, que l'AFP a accompagné sur place, s'inquiète du manque d'eau propre. «On s'attend à des maladies. […] L'éducation à la santé est fondamentale. Un seul cas de rougeole équivaut à une épidémie», souligne Paul Puleni, coordinateur médical de MSF. Amaury Grégoire, chef de mission au Malawi pour Médecins sans frontières, tire lui aussi la sonnette d'alarme. L'absence d'eau potable, même en dehors des camps de déplacés, devient très préoccupante : « Plusieurs camps ont été mis en place pour ceux qui ont perdu leur maison, mais la majorité des déplacés ont trouvé refuge chez des amis ou des proches. […] Par contre, ce sont généralement de petites huttes où tous sont obligés de s'entasser. Ces personnes vivent dans des conditions d'autant plus précaires que, la plupart des puits ayant été contaminés par les inondations, l'eau potable devient rare.»
«C’était l’enfer»
La saison des pluies fait souvent des dégâts dans cette région bordant le Mozambique. Mais «c'était l'enfer cette fois», dit Eliza Gift, 21 ans. «En une heure, toute la région où il y avait des villages, nos jardins, nos écoles est devenue un lac. Nous avons vu des gens emportés pendant que moi, mon mari et mon enfant, on est restés accrochés dans un arbre pendant deux jours», dit-elle.
Elle raconte comment son mari a supplié le propriétaire d'une barque pour les évacuer contre la promesse de dix dollars, une petite fortune que ce dernier a accepté qu'ils payent plus tard. «Il y a encore des gens en rade là-bas, en hauteur mais ces propriétaires de barques veulent d'abord l'argent. C'est une situation désespérée», dit-elle. «Je n'en croyais pas mes yeux, ça me hante toujours», confie un pêcheur Jossam Mangawe, 44 ans. Un collègue Medison Manuel, 28 ans, ajoute: «Avec mon bateau qui a été emporté, ma vie est fichue. Je ne sais pas comment je vais faire pour survivre.»
A la recherche des survivants
Armés de seules pioches, six jeunes gens fouillaient samedi les rives d'un nouveau cours d'eau créé par les crues éclair qui ont submergé Chilobwe, un bidonville à cinq kilomètres de Blantyre, la capitale économique du Malawi. En creusant dans les tas de sable et de débris, ils espéraient trouver les corps de trois de leurs amis emportés par les eaux trois jours plus tôt. «Nous n'avons pas perdu espoir. Nous espérons trouver les corps de nos amis afin de leur offrir des funérailles dignes», a raconté à l'AFP Rodney Chikoja, l'un des six volontaires.
La police malawite dit avoir trouvé déjà quatre cadavres à Chilobwe, enfouis dans le sable. «Un corps a été découvert à cinq kilomètres en contrebas. Alors vous imaginez à quel point le courant était puissant», a indiqué un agent. De fortes précipitations sont encore attendues, et selon des experts, les risques de crues sont encore très élevés, principalement dans les districts de Chikwawa et Nsanje, au sud du pays.