Menu
Libération

Une dizaine d'anciens soldats français auraient rejoint le jihad

Formés et entraînés par l'armée française, ces ex-militaires radicalisés, s'ils ne sont qu'une dizaine, représentent un véritable atout pour les groupes islamistes.
Une dizaine d'anciens militaires français, dont certains issus des forces spéciales et de la Légion étrangère, ont rejoint les rangs des jihadistes en Irak et en Syrie sous différentes bannières. (Photo Thomas Coex. AFP)
publié le 22 janvier 2015 à 12h21

Ils représentent moins de 1% des jihadistes français, mais ils constituent un véritable atout pour les mouvements qu'ils ont rejoints. D'anciens militaires issus des troupes françaises, le plus souvent de la Légion étrangère, ont rallié les rangs jihadistes en Syrie et en Irak, rapportent Radio France International (RFI) et l'Opinion. Mercredi, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, l'a confirmé lors d'une conférence de presse, tout en relativisant l'ampleur du phénomène : «Les cas d'anciens militaires tentés par une aventure jihadiste sont d'une extrême rareté».

Déjà en avril dernier, rappelle le Parisien, une vidéo émanant d'un groupe islamiste en Syrie mettait en scène un jeune jihadiste français qui assurait avoir fait partie d'un régiment d'infanterie parachutiste, et qui aurait décidé de faire le jihad après sa conversion à l'islam. Et en juin 2013, rappelle l'Opinion, le frère d'un jeune marin opérant sur la base navale de Toulon, membre de la «cellule de Cannes» à l'origine de l'attaque à la grenade d'une épicerie casher à Sarcelles, avait rejoint la Syrie.

Le journaliste de l'Opinion Jean-Dominique Merchet, spécialiste du monde militaire, évoque le nombre de neuf jihadistes issus des rangs militaires français et identifiés par le renseignement. Il expose notamment le cas d'un ancien membre des forces spéciales, engagé au 1er RPIMa de Bayonne, un régiment d'élite rattaché au Commandement des opérations spéciales où il a acquis une solide expérience en suivant notamment le stage «Rapas», l'un des plus sélectifs de l'armée de terre. Formé aux opérations commando et aux techniques de combat, de survie ou encore de sabotage, ce caporal né en 1974 en Seine-Saint-Denis dans une famille d'origine tunisienne a quitté l'armée en 1998 pour travailler dans des sociétés de sécurité privée. Il se serait radicalisé alors qu'il était en mission sur des sites pétroliers de la péninsule arabique. Devenu salafiste, il aurait voyagé, après son licenciement, au Liban, en Israël, en Mauritanie et au Yémen. D'après Jean-Dominique Merchet, les services de renseignement pensent qu'il a sans doute été en contact avec les frères Kouachi.

Selon le journaliste de RFI David Thomson, l'un de ces anciens militaires encadre actuellement des jeunes jihadistes français. Il est émir d'un groupe d'une dizaine de combattants français, qu'il a formés au combat, dans la région de Deir Ezzor, en Syrie. Le journaliste évoque également des experts en explosifs, âgés seulement d'une vingtaine d'années. Issus de la Légion étrangère ou des parachutistes, ils sont aussi bien de culture musulmane que convertis. Ces jihadistes sont «évidemment plus dangereux que les autres puisqu'ils ont été formés en France. Ils connaissent les secrets de l'armée», estime David Thomson, qui rappelle l'attentat de Ford Hood (Texas) aux Etats-Unis en 2009, où un médecin militaire proche d'Al-Qaeda, Nidal Malik Hasan, avait tué treize de ses camarades en partance pour l'Afghanistan. Cet Américain d'origine jordanienne avait entretenu des contacts via internet avec un prêcheur jihadiste américain vivant au Yémen, Anwar al-Aulaqi, mort depuis.

D'autres anciens militaires, selon RTL, auraient été envoyés en mission en Bosnie ou en Afghanistan et feraient maintenant partie des cadres de l'Etat islamique.

La Direction de la Sécurité et de la protection de la Défense, qui s'occupe des militaires en exercice, devrait voir ses moyens renforcés pour prévenir ce type de dérive. Le quotidien régional Ouest France évoque notamment l'embauche de 65 personnes, sur un total de 1 000 personnels chargés de l'examen des dossiers de recrutement. «Notre préoccupation, ce ne sont pas les anciens militaires […] c'est de prévenir les phénomènes de radicalisation dans nos armées», a d'ailleurs expliqué au journal une source au sein du ministère de la Défense. Jean-Yves Le Drian a par ailleurs rappelé que 3 000 personnes, dont d'ex-militaires, étaient surveillées en raison de leur possible implication dans des filières terroristes. «Il faut lutter globalement contre le terrorisme. C'est ce à quoi nous nous employons avec les moyens de l'armée et du renseignement dépendant du ministre de l'Intérieur. […] Nous avons des services intérieurs aux armées françaises qui surveillent de très près les risques potentiels que peuvent représenter certains éléments. Nous savons, nous surveillons et nous agissons», a-t-il expliqué.