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Libération

Ballet diplomatique autour du nouveau roi saoudien

De nombreux chefs d'États se rendent à Ryad pour y rencontrer le nouveau roi, allié utile contre le terrorisme mais chef d'un régime bien peu démocratique lui-même.
Le nouveau roi Salmane (D) entouré de dignitaires le 24 janvier 2015 à Ryad (Photo -. AFP)
par AFP
publié le 24 janvier 2015 à 12h28

Le roi Salmane d’Arabie saoudite devait recevoir samedi à Ryad plusieurs chefs d’Etat et dignitaires venus présenter leurs condoléances après la mort d’Abdallah, une démarche que le président américain Barack Obama effectuera mardi. Le Premier ministre britannique David Cameron, le président français François Hollande et le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif étaient notamment attendus dans la capitale saoudienne, comme le prince Charles de Galles, fils de la reine d’Angleterre. Barack Obama rejoindra Ryad mardi, après avoir écourté un déplacement officiel en Inde qu’il entame dimanche.

Selon la Maison Blanche, le président américain a annulé une visite au Taj Mahal pour venir présenter ses condoléances «au nom du peuple américain». Vendredi, il avait salué en feu Abdallah, un homme «sincère» et «courageux», et en l'Arabie un partenaire «précieux». L'alliance stratégique entre ces deux pays remonte à 1945 et s'est de nouveau matérialisée lorsque le royaume saoudien a rejoint l'an dernier la coalition anti-jihadistes menée par Washington.

Nombreux sont les dignitaires étrangers qui n’ont pu assister aux funérailles d’Abdallah, tenues vendredi à Ryad quelques heures après sa mort à environ 90 ans, à l’hôpital où il avait été admis trois semaines auparavant pour une pneumonie. Le président turc Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, le président soudanais Omar el-Béchir et des chefs d’Etat du Golfe ont toutefois eu le temps de faire le voyage pour une cérémonie funéraire sans apparat. Enveloppée dans un linceul crème, la dépouille Abdallah a été enterrée dans un cimetière public, sous une modeste pierre tombale. Les présidents palestinien Mahmoud Abbas et irakien Fouad Massoum sont arrivés à Ryad après ces humbles funérailles. Le chef d’Etat du Gabon Ali Bongo Ondimba a lui été un des premiers à arriver samedi, selon des médias officiels saoudiens.

«Chemin droit»

Le nouveau souverain Salmane, âgé de 79 ans et qui souffre de problèmes de santé, a reçu l'allégeance symbolique des Saoudiens, comme le veut la tradition. Le prince héritier Moqren était à ses côtés, se faisant lui aussi baiser la main par des centaines de sujets venus jurer «obéissance et fidélité». Des cérémonies similaires sont également prévues samedi et dimanche soir. Dans son premier discours en qualité de roi, Salmane a affirmé vendredi qu'il maintiendrait le cap fixé par son défunt demi-frère et les souverains avant lui.

Le royaume ultra-conservateur sunnite, berceau de l'islam et gardien des deux principaux lieux saints musulmans (La Mecque et Médine), est le premier exportateur de pétrole au monde et un acteur clé au Moyen-Orient, resté à l'abri des bouleversements qui ont secoué la région depuis 2011. «Nous resterons, avec la force de Dieu, sur le chemin droit que cet Etat a suivi depuis sa création (...)», a dit Salmane, dont la première décision a été de nommer son neveu et ministre de l'Intérieur Mohammed ben Nayef, 55 ans, comme futur prince héritier, deuxième dans l'ordre de succession.

Un régime «insensible aux droits de l’Homme»

Ces propos ont été interprétés par les marchés pétroliers comme une assurance que l'Arabie saoudite ne modifiera pas sa politique énergétique. Le chef de file de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole défend fermement le maintien à son niveau actuel de la production du cartel, au risque de voir s'accélérer la vertigineuse chute des prix du brut (-50% depuis juin). Sous Abdallah, l'Arabie s'était par ailleurs engagée dans la lutte contre les groupes jihadistes. Ses partenaires au sein de la coalition internationale lui ont rendu hommage. Certains, comme le Premier ministre canadien Stephen Harper, voyant en lui «un ardent défenseur de la paix».

S'il a exercé une très forte influence au plan régional, le roi défunt a aussi été critiqué pour sa politique en matière des droits de l'Homme dans un pays où l'on applique la loi islamique (charia) avec rigueur et où les femmes ne peuvent toujours pas conduire. Amnesty International a ainsi dénoncé vendredi un régime «insensible aux droits de l'Homme» et accusé l'Occident de couvrir cette politique en raison du poids pétrolier du royaume et de son soutien dans la lutte contre les jihadistes.

Le cas du blogueur Raef Badaoui, condamné à dix ans de prison et 1000 coups de fouet pour «insulte à l'islam», et de deux militantes, déférées devant un tribunal antiterroriste car l'une a voulu entrer dans le pays en conduisant, ont récemment provoqué un tollé international.