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Libération

Ces trois dossiers attendent l’équipe Tsípras

La Grèce à gauche toutedossier
Remettre en cause l’austérité, la paperasserie administrative ou encore les monopoles dans les médias… Syriza a du pain sur la planche.
Alexis Tsipras, dimanche, après avoir voté à Athènes. (AFP)
publié le 25 janvier 2015 à 22h26

«Le 26 janvier, un astéroïde passera près de la Terre. Le Soleil se lèvera à 7 h 37, les magasins ouvriront à 8 heures, et les parents s'inquiéteront toujours pour les notes scolaires de leurs enfants» : non sans un certain humour, l'un des spots publicitaires de Syriza jouait, la semaine dernière, sur l'idée d'un «lundi normal» pour répondre aux scénarios catastrophistes de ses adversaires si la Coalition de la gauche radicale arrivait en tête lors des élections qui ont eu lieu dimanche. Un lundi normal ? Personne, à commencer par les sympathisants de Syriza, n'y croyait vraiment dimanche dans les rues d'Athènes. Reste à clarifier sur quoi s'était engagée, avant même les élections, le parti d'Aléxis Tsípras. Et quels sont les dossiers déclarés prioritaires.

1. Remettre en cause l’austérité

Bien plus, l'abolir. La fin des mesures d'austérité telles qu'elles sont imposées par la troïka (FMI, Union européenne et Banque centrale européenne) est depuis longtemps le fer de lance du programme de Syriza. L'abolition de certaines mesures particulièrement impopulaires est considérée comme prioritaire : ainsi supprimer la saisie de la résidence principale vendue aux enchères en cas de non-paiement de la taxe foncière. Cet impôt sur la maison, dans un pays où le pourcentage de propriétaires est très élevé (près de 76%), a fâché jusqu'aux électeurs de droite. Le programme de Syriza envisage également de rétablir le plancher d'imposition minimum à 12 000 euros par an, contre 5 000 euros aujourd'hui. Syriza veut aussi porter le salaire minimum à 750 euros contre 510 euros. Et, avant tout, demander l'aide urgente de Bruxelles pour gérer la «crise humanitaire» que traverse la Grèce. «Les mots n'ont pas été choisis au hasard. Syriza considère qu'on ne peut pas continuer à imposer plus de rigueur à un pays qui se meurt, où, sans la solidarité familiale, ce serait le retour de la famine, comme pendant la guerre», considère le journaliste Nikos Xydakis. Au-delà des mesures d'austérité, c'est la renégociation de la dette qui est le véritable enjeu. «Une partie de la dette doit être tout simplement supprimée. Le reste doit être remboursé à un rythme différent, avec un gel des paiements pendant un temps, lesquels devraient être indexés sur la croissance interne afin d'encourager les investissements nécessaires à la reprise du pays», explique Olga Athaniti, l'une des responsables de Syriza à Bruxelles. Encore faut-il que les mécanismes internes ne soient pas paralysés par la bureaucratie.

2. Changer l’Etat

«Bien plus que la remise en cause des mesures d'austérité, il y a des changements institutionnels qui peuvent être rapides», estime Elena Panaritis, à la tête d'un think tank à Athènes. «La bureaucratie étouffe toute initiative, même les entrepreneurs souhaitent un changement. Or, supprimer la paperasserie ne demande même pas d'argent», souligne-t-elle. La lutte contre le «crime économique» devrait non seulement être renforcée - notamment en dépendant directement du Premier ministre -, mais pourrait contribuer à trouver des ressources, «en luttant plus efficacement contre la contrebande d'essence ou de cigarettes et l'évasion fiscale» souligne Olga Athaniti. La politique fiscale pourrait être appelée à une vaste refonte «dans un pays où les inégalités n'ont jamais été aussi fortes», rappelle Nikos Xydakis. Certains organismes parapublics, comme Taiped qui gère (mal) les privatisations, sont par ailleurs appelés à disparaître, selon les vœux des responsables de Syriza. Et la lutte contre les oligarques est affichée comme une priorité. Cette fois avec le soutien de Bruxelles et du FMI. Mais les groupes d'intérêts et les monopoles sont puissants en Grèce.

3. Changer la société

Parmi les citadelles à abattre pour Syriza, les médias audiovisuels privés sont en première ligne. Détenus par les grandes fortunes du pays, qui s'en servent comme moyen de pression sur le gouvernement, ils sont considérés comme de véritables organes de propagande du pouvoir en place. «Il faut remettre aux enchères les licences de diffusion que leurs propriétaires ont obtenues gratuitement. Ce qui permettrait de dégager également près de 100 millions d'euros», estime Olga Athaniti, pour qui «certains intérêts n'auront plus le droit de posséder une chaîne privée». Au-delà, «l'essentiel est de rendre aux Grecs cette estime de soi qu'ils ont perdue, d'offrir à une population humiliée un horizon. Les gens ont en réalité des exigences plutôt modestes, ils sont prêts à se serrer encore la ceinture à condition de sortir de la survie», explique le journaliste Nikos Xydakis, qui était également candidat sur les listes de Syriza dimanche, mais s'est fait connaître comme «le chroniqueur de la crise» au quotidien conservateur Kathimerini.