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Libération
Récit

L’apothéose de Syriza

La Coalition de la gauche radicale est arrivée largement en tête dimanche.
Des partisans de Syriza à Athènes en début de soirée dimanche. (Photo Louisa Gouliamaki. AFP)
publié le 25 janvier 2015 à 22h26

Grèce, année zéro. Avec une dizaine de points d’écart devant son principal adversaire, Syriza semble avoir réussi le grand chelem lors des élections de dimanche. A l’annonce des premières estimations qui confirmaient la victoire la Coalition de la gauche radicale, une clameur s’est élevée de la place Klafmonos au centre d’Athènes où Syriza avait installé son principal stand électoral.

Dès la fin de l'après-midi, une attente fébrile s'y était imposée à mi-chemin entre un réveillon du nouvel an et un revival de la Fête de l'Huma, tant les accents étrangers étaient également nombreux. Une foule de journalistes venus des quatre coins du monde bien sûr, mais aussi de simples citoyens grecs ou originaires d'autres pays d'Europe et avides d'assister à ce moment historique : la première victoire d'une gauche, finalement pas tellement «radicale» mais peut-être juste ressentie comme «authentique».

Camouflet. Reste qu'avec 36,5% des voix, Syriza n'était pas assuré hier soir, même à 1 siège près, d'obtenir la majorité absolue (151 sièges au Parlement) pour former seul un gouvernement, tant le système grec est lié moins au score du parti arrivé en tête qu'au nombre de formations qui entrent à l'Assemblée. Elles seraient au moins sept à entrer dans le nouveau Parlement.

Alors que la foule faisait la fête dimanche soir au centre d’Athènes, sur les chaînes de télévision, les mines dépitées des ministres et députés sortants de Nouvelle Démocratie, le parti conservateur qui dirige le pays depuis 2012, révélaient l’ampleur de la déflagration créée par ces élections anticipées. Le Premier ministre sortant, le conservateur Antonis Samaras, avait appelé à une présidentielle anticipée, afin de clarifier le jeu avant de signer un nouvel accord avec les créanciers de la Grèce. Sans saisir que c’est justement cette politique imposée depuis cinq ans à un pays exsangue qui a été sanctionnée hier soir. Un véritable camouflet pour Antonis Samaras qui pourrait voir son leadership rapidement contesté. Dans un geste de visible apaisement, Syriza a d’ailleurs laissé entendre dimanche soir que la présidence de la République, poste honorifique mais symboliquement important, que le nouveau Parlement devra rapidement désigner, pourrait revenir à une personnalité du centre-droit.

Reste qu'excédés par des mesures d'austérité d'une sévérité inouïe, et qui n'ont même pas empêché la dette de continuer à augmenter, humiliés par les diktats de Bruxelles et de Berlin qui leur ont souvent donné l'impression de «vivre dans un pays colonisé», selon les termes d'un journaliste proche de Syriza, les Grecs ont souvent opté «pour le moindre mal», comme le confessait hier matin un habitant de Thessalonique, dans le nord du pays, interviewé par la chaîne de télévision Skaï.

«Dominos». Malgré ces réticences, l'ambiance était festive dimanche. Et même si les néonazis d'Aube dorée confirment leur enracinement, ils sont désormais au coude à coude avec un nouveau parti de centre gauche, To Potami (La Rivière) crée il y a tout juste un an. Un signe supplémentaire de la volonté des Grecs d'envoyer la vieille classe politique à la retraite, sans oublier les socialistes du Pasok, qui n'entrent au Parlement que de justesse avec un score historiquement bas (entre 5 à 3% des voix).

A l'issue de ces élections improvisées une évidence s'impose : rien ne sera jamais plus pareil en Grèce. Une page, ouverte après la chute de la dictature en 1974, se tourne. «Ce sera comme des dominos», s'enthousiasmait samedi Olga Athaniti, représentante de Syriza au Parlement européen, convaincue que «cette victoire va réveiller la gauche en Europe».