C’est un coup de maître de Matteo Renzi. Comme il l’avait annoncé, l’élection du douzième président de la République s’est en effet réglée en seulement trois jours et quatre petits tours de scrutin. Avec, au bout du compte, la désignation, samedi, de son candidat, Sergio Mattarella, qui l’emporte avec 665 voix, soit près des deux tiers des suffrages. Alors que l’épreuve s’annonçait compliquée en raison d’un Parlement divisé et d’une minorité du Parti démocrate prête à en découdre avec le jeune président du Conseil, Matteo Renzi a pris de court la classe politique en misant sur ce juge constitutionnel sicilien de 73 ans, démocrate, sobre, intègre et respecté. Il a ainsi fait taire les éventuelles oppositions de son propre camp et rallié la gauche radicale.
Professeur de droit, Sergio Mattarella est issu d'une grande famille politique démocrate-chrétienne progressiste. Son frère Piersanti était président du conseil régional de Sicile lorsqu'il a été abattu par la mafia en janvier 1980. Cette tragédie a constitué un tournant pour Sergio Mattarella, le poussant à s'engager à fond en politique. Réservé (sa dernière interview remonte à 2008), catholique pratiquant (il s'était insurgé en 1990 contre une tournée de Madonna dans la péninsule), il s'est distingué en abolissant le service militaire lorsqu'il était ministre de la Défense et pour avoir réformé le système électoral. Mais c'est surtout en raison de son engagement contre Cosa Nostra et de sa rectitude morale que Sergio Mattarella a rallié sur son nom une grande majorité des parlementaires. A l'exception notable de Silvio Berlusconi, qui a demandé à ses troupes de voter blanc. A plusieurs reprises, Sergio Mattarella avait stigmatisé certains aspects «antidémocratiques» du programme de Forza Italia. Et quand le parti de Silvio Berlusconi adhère, en 1998, au Parti populaire européen, il lâche : «Il ne suffit pas d'envahir l'Empire pour épouser la civilisation romaine.»
L'élection de Sergio Mattarella constitue donc un revers de taille pour le patron de la droite. D'autant que le Caïman était convaincu que Matteo Renzi, qu'il soutient pour faire passer les réformes institutionnelles, l'aurait consulté afin de décider ensemble le nom du successeur de Giorgio Napolitano. «Renzi a trahi», titrait vendredi le quotidien de droite Il Giornale. «Il a déployé un machiavélisme extrêmement efficace», jugeait le philosophe et ex-député du Parti démocrate Massimo Cacciari, soulignant que «c'est une qualité politique de savoir se jouer de l'adversaire et le tromper».
Matteo Renzi sort, lui, résolument renforcé de l’épreuve. Il a placé au palais du Quirinal un garant des institutions incontesté mais qui devrait être suffisamment sobre pour ne pas lui faire d’ombre.