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Libération

Subutex : Maurice charge les mules

Deux Français ont écopé de dix-huit et vingt ans de prison pour le trafic de ce substitut de l’héroïne.
La Française Aurore Gros-Coissy arrive au tribunal de Port Louis où elle est jugée pour trafic de drogue, le 18 septembre 2014 (Photo Nicholas Larche. AFP)
publié le 5 février 2015 à 19h36

Maurice continue d'infliger de très lourdes peines à des Français convaincus d'avoir importé du Subutex, un substitut de l'héroïne devenu le stupéfiant le plus consommé dans l'île. Pierre- Martin Viator, un Français de 57 ans arrêté en octobre 2011 avec dans ses valises 2 744 comprimés, a été condamné jeudi à dix-huit ans de prison. «C'est un délit très grave, il est important d'envoyer un signal fort à la société», a déclaré le juge Benjamin Marie-Joseph, selon l'AFP. Deux complices mauriciens ont été condamnés à seize et quatorze ans.

Médicaments. La semaine dernière, une autre Française, Aurore Gros-Coissy, 27 ans, a écopé de vingt ans. Elle a fait appel car elle clame son innocence depuis son arrestation à l'aéroport, en août 2011, avec 1 680 comprimés dans ses valises. Elle affirme qu'elle ne savait pas ce qu'elle transportait. «La justice n'a pu prendre une décision éclairée, car elle ne disposait pas de tous les éléments, faute d'une coopération efficace [avec la France]», déplore Farid Dekhli, président du Collectif des victimes de détournements de médicaments et de stupéfiants. Il dénonce «des erreurs d'enquête», et déplore que deux «principaux suspects vivent en France en toute quiétude». Quatre autres Français sont en prison pour des faits similaires. Ceux qui sont condamnés définitivement peuvent espérer un transfèrement en France pour purger le reliquat de leur peine.

En France, le Subutex est distribué sur ordonnance comme traitement pour les héroïnomanes. Injecté, il devient une drogue que l’île Maurice considère comme équivalente à l’héroïne. Plusieurs jeunes Français, conscients ou non de ce qu’ils faisaient, ont, depuis plusieurs années, servi de «mules» dans ce trafic très rémunérateur. Les têtes de réseau se trouvent souvent dans l’Hexagone, où ils obtiennent le Subutex en détournant des ordonnances et souvent en se le faisant rembourser par la Sécu.

Naïfs. Ils promettent en échange un séjour gratuit sur l'île et quelques milliers d'euros à ces transporteurs naïfs qui ignorent tout du risque judiciaire. Or, Maurice prononce des peines équivalentes à celles infligées en France pour meurtre. C'est que dans l'île, plusieurs décès par overdose lui ont été attribués, et on surnomme les trafiquants les «marsan lamor» (marchands de mort). Selon un rapport du département d'Etat américain de mars 2011, «le Subutex est considéré [à Maurice] comme plus rentable que l'héroïne par unité de poids».