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Libération

Propagande anti-Occident dans les universités chinoises

Une campagne du ministère de l'Education contre les valeurs occidentales divise le paysage intellectuel chinois.
Des étudiants chinois célèbrent leur diplôme face à la statue de Mao Zedong. (Photo Reuters)
publié le 11 février 2015 à 17h22

Les universités chinoises doivent poser des limites politiques, juridiques, et morales pour se prémunir des valeurs occidentales et des dérives antisocialistes, selon les recommandations du ministre chinois de l'Education nationale. Le 29 janvier, Yuan Guiren appelait ainsi les responsables d'établissement à «renforcer la veille idéologique […] et la gestion de l'usage des manuels occidentaux, et à n'autoriser en aucun cas les supports d'enseignement diffusant les valeurs occidentales».

Yuan Guiren, pour qui «les jeunes enseignants et les étudiants représentaient des cibles clés de l'infiltration ennemie», a par ailleurs condamné «l'apparition de calomnies contre les dirigeants du parti, les discours discréditant le socialisme, et les discours anticonstitutionnels et illégaux» dont les enseignants pourraient être à l'origine.

Certains médias sont allés dans son sens, notamment le quotidien Huanqiu Shibao, qui désigne même nommément ces détracteurs de l'idéologie chinoise. Le juriste He Weifang et le critique d'art Chen Danqing sont accusés de diffuser des messages inappropriés sur les réseaux sociaux ainsi que dans leurs enseignements, rapporte Courrier international. «Lorsque He parle à tout-va de Constitution sur Weibo, ou que Chen écrit sur l'Amérique, "ce pays imbécile et arriéré", il s'agit en fait d'embellir les Etats-Unis», déclare le journal chinois.

Le site de la revue théorique du Parti communiste chinois, Qiushi («Chercher la vérité»), renchérit : «Certains enseignants, en cours ou après les cours, font de grands discours s'écartant des valeurs centrales du socialisme. Ils ne cessent de discréditer la Chine et dépassent les limites idéologiques.»

En face, des détracteurs de ce mouvement anti-Occident se mobilisent dans le pays : pas question de se passer des œuvres de Rawls, Locke, Montesquieu ou encore Stuart Mill dans les universités. Cette semaine, neuf avocats chinois ont demandé aux autorités de donner une définition précise des «valeurs occidentales» et de faire connaître le fondement juridique de leur interdiction. Leur texte, publié sur un blog, a très vite été censuré sur les réseaux sociaux.

Le président de la China's Nankai University s'est joint à l'opposition, redoutant un retour en arrière des mentalités. «J'ai vu sur Internet des gens affirmer que les rangs des facultés devaient être nettoyés, purifiés et rectifiés… je ne peux être d'accord avec cela.» L'ancien vice-président de la Peking University (l'un des établissements les plus prestigieux du pays) a appelé le gouvernement à délimiter une frontière entre «les valeurs occidentales» et «les valeurs chinoises». Le socialisme ne vient-il pas de l'Occident ?