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Libération

Dans le Donbass à armes inégales

Malgré les dénégations de Poutine, les accords de Minsk reconnaissent la présence d’un arsenal moderne russe chez les séparatistes. Face à ces équipements dernier cri, des troupes ukrainiennes cahotantes.
publié le 15 février 2015 à 19h56

Le 30 mai, les services de renseignement ukrainiens révélaient que les troupes de Kiev venaient d'abattre un drone russe au-dessus de l'Ukraine de l'est. C'était la première fois qu'il était fait état de la présence d'armes modernes russes - dans ce cas précis, un Orlan-10, engin capable de voler à une hauteur de 1 500 m et à 150 km de son contrôleur - dans le conflit qui venait d'éclater dans cette région, un mois plus tôt. Quatre ou cinq incidents similaires suivront, ce qui n'empêchera pas l'armée russe de continuer à nier sa présence dans la zone. Fin janvier, lors d'une visite en Ukraine, le commandant des forces américaines en Europe, le général Ben Hodges, faisait remarquer que l'usage de ces appareils sans équipage fournis par Moscou avait «procuré un avantage significatif» aux rebelles prorusses. Il soulignait notamment que ces drones permettaient à ces derniers de mieux ajuster leurs tirs et d'infliger de lourdes pertes à l'adversaire.

Plan. D'autres équipements modernes, comme ceux de brouillage, ont aussi permis aux prorusses de couper les communications entre unités ukrainiennes, les empêchant de se coordonner et de répliquer aux tirs d'artillerie ennemis. La question du retrait des armes lourdes, mais aussi celle du retrait des formations militaires étrangères, comme de leur équipement, sont centrales pour une mise en œuvre des accords de Minsk.

Force est de constater que quelle que soit l'ampleur réelle de l'engagement des troupes russes sur le terrain - Kiev parle de 9 000 hommes, un chiffre difficilement vérifiable, même s'il va de soi que ce sont effectivement des soldats russes (et non des Tchétchènes ou des Serbes avinés) qui assurent le service des armes les plus modernes -, Moscou se sert du conflit est-ukrainien pour tester ses armes récentes. La modernisation de l'équipement de son armée est depuis quatre ans au moins au cœur des préoccupations du Kremlin, qui a pris conscience en 2008, lors de la guerre en Géorgie, des faiblesses organisationnelles de ses unités. Sous l'impulsion de l'ex-ministre russe de la Défense Anatoli Serdioukov, un plan de modernisation lourd de 600 milliards d'euros a alors été élaboré pour la période 2011-2020. Et le budget militaire ne cesse de croître. Malgré la crise, due aux sanctions occidentales comme à la chute du prix du pétrole, il devrait augmenter de 33% cette année, atteignant, selon le Moscow Times, 4,2% du PIB russe.

Musée. Parmi les armes russes récentes arrivées sur le front de l'est de l'Ukraine, et que Kiev ne possède pas, on notera notamment les fusils antichars ASVK, introduits dans l'armée russe en 2013, les roquettes antichars MRO-A, jamais exportées, les derniers modèles du char T-72, lui aussi mis en service en 2013 et jamais vendu à l'étranger, tout comme les transports de troupes BTR-82AM ou les Tornado, un système récent de lance-roquettes multiples de style Grad amélioré, sans compter les missiles Buk (ceux qui ont abattu en juillet le vol de la Malaysia Airlines). Toutes ces armes n'existent pas dans l'arsenal ukrainien qui, privé de communications sécurisées, ressemble à un musée de l'ère soviétique et est d'une grande imprécision.

Malgré les dénégations de Moscou, les négociateurs des accords de Minsk de ce mois ne s’y sont pas trompés. Parmi les clauses de l’accord, figure notamment le retrait à 140 km de la ligne de confrontation des Tornado, des Ouragan et des Smerch. Si l’Ukraine possède également ces deux derniers systèmes de lance-roquettes multiples, ce n’est pas le cas du premier, qui vient de l’arsenal russe modernisé. Reste à savoir si les troupes russes accepteront de reprendre les armes qu’elles ont si généreusement fournies à leur allié séparatiste du Donbass. Un test pour Poutine.