Menu
Libération
Analyse

La Libye, terre d'exportation pour l'Etat islamique ?

L'organisation terroriste, qui peine à s'implanter hors de Syrie et d'Irak, concurrence Al-Qaeda dans le pays
En octobre à Derna (est), des pick-up du Conseil consultatif de la jeunesse islamique, qui a fait allégeance à l'EI. (Photo REUTERS)
publié le 16 février 2015 à 16h07

«Ces flots dans lesquels vous avez caché le corps du cheikh Oussama ben Laden, nous jurons, par Allah, que nous les mélangerons avec votre sang.» Ce commentaire de l'un des bourreaux de l'Etat islamique (EI) lors de la décapitation de 21 coptes égyptiens sur une plage libyenne ne vise pas qu'à provoquer l'effroi. Il marque aussi la rivalité entre l'EI d'Abou Bakr Al-Baghdadi et Al-Qaeda, dirigée par Ben Laden jusqu'à sa mort, en mai 2011. Les deux groupes s'affrontent depuis le printemps 2013 pour le contrôle du jihad mondial. S'il peine à s'implanter en Afghanistan, au Pakistan et au Yémen, Daech (l'acronyme arabe de l'EI) s'est de toute évidence imposé en Libye.

Son implantation s'est matérialisée en octobre à Derna (est) lorsque le Conseil consultatif de la jeunesse islamique (Majlis Choura Chabab al-Islam) a fait allégeance au calife Abou Bakr al-Baghdadi. Le groupe, d'abord discret, s'est depuis illustré par une série d'attaques, dont celle, spectaculaire, contre l'hôtel Corinthia de Tripoli, le 27 janvier, qui a fait 9 morts. Il a également visé des champs pétroliers dans le centre du pays. L'EI a aussi étendu sa zone d'influence à Syrte, où a été tué Muammar al-Kadhafi en 2011, en prenant le contrôle de plusieurs bâtiments administratifs, dont ceux des médias locaux. Le 10 février, des photos montraient un convoi de plusieurs dizaines de pick-up de l'EI à Nofilia, à 150 kilomètres environ de Syrte.

Cette présence de l’EI dans plusieurs villes libyennes ne signifie pas pour autant qu’il les contrôle. L’organisation doit ses implantations aux ralliements de groupuscules locaux. Elle a aussi attiré des membres d’Ansar al-Charia, proche d’Al-Qaeda. Rivaux, les deux groupes peuvent aussi s’allier, comme à Benghazi, principale ville de Cyrénaïque (est), où ils combattent ensemble les troupes de Khalifa Haftar, un ancien général du régime kadhafiste qui tente depuis mai de chasser les islamistes de l’est libyen. Cette alliance n’est toutefois que de circonstance, Haftar faisant office d’ennemi commun.