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Libération
Analyse

La pression monte pour une intervention internationale

Les tensions avec Moscou rendront difficile un mandat de l’ONU.
publié le 16 février 2015 à 20h16

L'Italie est pour le moment la seule à avoir évoqué ouvertement un possible engagement en Libye. Si Rome est en première ligne, d'autres capitales, à commencer par Paris mais aussi celles des pays voisins, réfléchissent aux moyens d'action pour tenter de mettre fin à un chaos où prospèrent les islamistes les plus radicaux, qui déstabilise les pays voisins et alimente le flux de «boat people» vers l'Europe. «Le risque d'une grande Somalie aux bords de la Méditerranée», évoquée par le géopoliticien italien Lucio Caracciolo dès le début de l'intervention internationale de 2011 est devenu réalité. Nul ne se fait d'illusion sur les chances du médiateur de l'ONU, Bernardino Leon, d'arriver à créer un gouvernement d'union nationale en Libye ni sur ses capacités, si celui-ci voyait le jour, à y ramener l'ordre.

Métastases. Au quai d'Orsay comme à la Défense et à l'Elysée, on ne cache pas que le dossier libyen est en tête des préoccupations depuis plusieurs mois. C'est aussi dans ce contexte que le gouvernement fait voir la vente des Rafale à l'Egypte d'Al-Sissi qui, au-delà de l'opération commerciale, concrétise une alliance stratégique (lire ci-dessous) et marque un clair soutien à ses frappes en Libye. Officiellement, une intervention française n'est pas à l'ordre du jour. Sur France Inter le 5 janvier, le Président assurait que «la France n'interviendr[ait] pas en Libye», tout en précisant peu après «qu'elle ne le ferait pas seule». Une nuance importante. Un mois plus tard, lors de sa conférence de presse, François Hollande revenait sur le même thème : «La France ne peut pas régler tous les conflits du monde.» Engagée notamment au Nord- Mali, elle est la plus au fait des métastases de la crise libyenne. Paris a déployé dans la région 3 000 hommes dans le cadre l'opération antiterroriste «Barkhane» et a installé au Niger la base avancée Madama à une centaine de kilomètres de la frontière libyenne. Cela peut permettre de lancer des opérations transfrontalières ponctuelles.

«Ce qui se passe en Libye n'est ni plus ni moins que la résurgence d'un sanctuaire terroriste dans l'environnement immédiat du continent européen. Ce serait une erreur profonde pour la communauté internationale que de rester passive», affirmait le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en visite à Niamey début janvier, répondant aux propos encore plus martiaux du président nigérien, qui affirmait : «Il n'y aura pas de solution politique en Libye sans au préalable une intervention militaire.» Quinze jours auparavant, les dirigeants du G5 Sahel (Tchad, Mauritanie, Niger, Mali, Burkina Faso) réclamaient aussi à l'unisson une intervention «pour finir le travail» laissé inachevé en 2011, selon les mots du Tchadien Idriss Déby. C'était aussi ce que réclamait il y a deux mois le gouvernement de Tobrouk - reconnu par la communauté internationale - même s'il a depuis changé d'avis. «Nous ne voulons ni intervention militaire étrangère ni mission de maintien de la paix ; nous allons tout gérer nous-même», déclarait au Monde le ministre de l'Intérieur, Omar Salem al-Zanki.

Risque. La pression n'en monte pas moins pour une intervention internationale. A condition bien sûr d'obtenir un mandat et une résolution du Conseil de sécurité. Ce ne sera pas simple alors que les relations avec Moscou sont mises à rude épreuve par la crise ukrainienne. En outre, le Kremlin, qui s'était abstenu en 2011, a encore le sentiment d'avoir été floué, les Occidentaux ayant poussé leur mandat jusqu'au renversement de Kadhafi. A cela s'ajoutent les avertissements de nombreux experts. «Il sera très difficile de déployer des troupes au sol dans un pays grand comme deux fois et demi la France et de contrôler des villes où ces militaires ne seront pas les bienvenus», note Patrick Haimzadeh, ancien diplomate et grand connaisseur du pays. Il y a risque de jouer à nouveau aux apprentis sorciers même si, sur le terrain, les troupes déployées devraient être celles de pays musulmans voisins.