Triste anniversaire. Quatre ans après le 17 février 2011, qui avait marqué le début du soulèvement contre Kadhafi, la Libye n’a rien à fêter. Alors que l’Egypte pousse à une nouvelle intervention internationale, des troupes libyennes se massaient mardi autour de Syrte, prélude à un siège pour tenter de déloger les jihadistes de l’Etat islamique (EI) installés dans des bâtiments de la ville.
Ces brigades appartiennent à Fajr Libya (Aube libyenne), une coalition islamiste principalement formée d'ex-rebelles de Misrata. Aube libyenne contrôle Tripoli et a son propre gouvernement, rival de celui de Tobrouk, le seul à être reconnu par la communauté internationale.
Dans ce climat de guerre civile, Aube libyenne affirme avoir mobilisé 2 800 combattants répartis sur les fronts ouest, est et sud de Syrte, ville côtière à 500 kilomètres de Tripoli, celle-là même ou Muammar al-Kadhafi a été tué en octobre 2011. Le commandement, basé à Misrata, affirme qu’il peut envoyer 1 500 hommes supplémentaires si nécessaire. En face, l’EI compterait 500 à 700 combattants, répartis entre Syrte et Nofilia.
Snipers. L'heure, selon Aube libyenne, n'est pas à l'offensive. Il s'agit d'abord d'encercler Syrte, d'entamer des négociations et d'évacuer les civils. Soit exactement le scénario de l'automne 2011, lorsque les brigades rebelles de Misrata et de Benghazi s'étaient regroupées autour de Syrte où se terraient les dernières forces kadhafistes. Les jihadistes occupent plusieurs bâtiments, dont le centre de conférences Ouagadougou, où s'étaient déjà installés les kadhafistes. Ils ont également posté des snipers en haut des immeubles du centre-ville.
Sans attendre l'issue du siège, tractations réussies ou affrontements armés, l'Egypte réclame une intervention internationale. Son aviation a déjà bombardé Derna (Est) lundi, au lendemain de la diffusion d'une vidéo montrant l'assassinat de 21 coptes égyptiens par des bourreaux de l'EI. «Il n'y a pas d'autre choix, a assuré le président Al-Sissi dans une interview à Europe 1. Il faut traiter ce problème car la mission n'a pas été achevée par nos amis européens [lors de l'intervention de 2011, ndlr]. Nous avons abandonné le peuple libyen, prisonnier de milices extrémistes.»
L’Egypte craint avant tout que les jihadistes d’Ansar Beit al-Maqdis, qui ont fait allégeance à l’EI depuis le Sinaï, ne profitent du chaos libyen pour récupérer armes et combattants. Le groupe a revendiqué le 10 février la décapitation de huit hommes accusés d’espionnage.
«Hystérie». L'interventionnisme égyptien est soutenu par la plupart des pays frontaliers de la Libye dont les dirigeants estiment, eux aussi, que l'Otan, et en particulier la France, «n'a pas fini le travail en 2011». Pour autant, une action en Libye n'est envisageable que dans le cadre d'une opération de maintien de la paix, avec l'aval de l'ONU, comme l'a rappelé mardi l'Italie, qui a demandé à l'Egypte de ne pas céder à «l'hystérie et à une réaction déraisonnable». Une position partagée par la France, dont le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, ne cache pas depuis plusieurs semaines qu'il est favorable à une intervention.
Celle-ci a toutefois peu de chance d’être votée par le Conseil de sécurité, qui doit se réunir mercredi. La Russie et dans une moindre mesure la Chine estiment s’être fait berner en 2011, lorsque l’ONU avait avalisé l’opération de l’Otan. Présentée comme humanitaire et ponctuelle pour éviter un massacre à Benghazi, elle avait abouti à la chute du régime puis à la mort de Kadhafi.