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Libération

Bachar al-Assad à l’assaut d’Alep

Le monde arabe en ébullitiondossier
Damas veut montrer à la communauté internationale qu’il est le dernier rempart au jihadisme en Syrie.
Une victime des forces de Bachar al­-Assad près d’Alep, mercredi. (Photo M. Ebu Omer. AA. AFP)
publié le 18 février 2015 à 20h06

Même si son armée est affaiblie par quatre années de guerre civile, qui ont épuisé ses forces d’élite et saigné ses rangs, le régime de Bachar al-Assad n’a toujours pas renoncé à sa stratégie de remporter une victoire militaire sur la rébellion. Depuis mardi, c’est donc une nouvelle offensive majeure qu’il a lancée sur la grande ville d’Alep pour en briser le siège. Si elle aboutissait, la reconquête serait regardée comme une victoire décisive, non seulement sur le terrain syrien, mais aussi au sein de la communauté internationale.

La vieille cité, plusieurs fois millénaire et capitale économique du pays, est coupée en deux depuis juillet 2012 : les rebelles se trouvent à l’est et le régime à l’ouest d’une ligne de démarcation qui déchire l’agglomération du nord au sud et balafre la vieille ville. Dans la province, c’est l’inverse : les loyalistes en occupent la partie est, tandis que leurs adversaires contrôlent le reste, soit la quasi-totalité de la province.

Bastions. Si dans la stratégie militaire du régime, la reprise de la grande ville du Nord-Est est aussi fondamentale, c'est parce qu'elle lui permettrait d'asseoir son autorité sur la partie de la Syrie «utile» qui lui échappait encore, de couper une des principales sources d'approvisionnement en armes et munitions de l'insurrection, d'éliminer ce qu'il reste de résistance non jihadiste, dont Alep est l'un des derniers bastions. Fort de ce succès, pour le moment incertain, Bachar al-Assad pourrait faire valoir ensuite aux pays occidentaux, dont certains n'excluent plus de renouer avec lui, qu'il est bien le dernier rempart contre la barbarie islamiste.

Selon le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, les forces du régime cherchent d'un côté à «couper la route reliant Alep et la frontière turque et imposer ainsi un siège total aux quartiers rebelles». Et, de l'autre, ajoute-t-il, à «ouvrir la route menant à deux villages chiites [progouvernement, ndlr], Naboul et Zahra, assiégés par les rebelles depuis dix-huit mois». En réalité, trois forces se font face à Alep et dans sa province : les loyalistes et leurs alliés - le Hezbollah libanais, des officiers iraniens et des chiites afghans recrutés en Iran -, les formations rebelles radicales et l'Armée syrienne libre, qui agrège des groupes dits modérés. En même temps, les forces gouvernementales, et tout particulièrement le Hezbollah, avancent dans le sud du pays, sur le Golan, à la lisière des positions israéliennes ( Libération du 13 février).

Gel. L'offensive loyaliste a déjà fait des dizaines de tués dans les trois camps : 88 chez les rebelles et jihadistes, 70 du côté du régime et de ses alliés, selon l'OSDH. Elle aurait déjà permis de couper la route d'Alep à la Turquie, mais sans être une percée significative. Elle intervient enfin le jour même où le médiateur de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, doit présenter au Conseil de sécurité un rapport sur sa mission visant à arrêter la guerre qui ravage la Syrie, dont un plan pour geler les combats à Alep. Mistura a ainsi annoncé à New York que le régime syrien lui avait «indiqué être disposé à cesser tout bombardement aérien et tir d'artillerie pendant six semaines sur toute la ville d'Alep» pour permettre une trêve localisée. Le «gel des combats» est l'idée phare de l'émissaire de l'ONU depuis sa nomination en juillet à la place de Lakhdar Brahimi. Alep fait figure de ville test. Si le cessez-le-feu réussit, il serait étendu à d'autres localités. Mais au regard des précédentes trêves, qui ont toutes échoué, la plupart des observateurs restent sceptiques.