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Swissleaks : un ancien éditorialiste accuse le «Telegraph» de «fraude» envers ses lecteurs

Il pointe l'influence de HSBC, annonceur du journal, sur la ligne éditoriale, après plusieurs années de tabou sur cette banque.
Bâtiment de HSBC. (Photo Nikhil Monteiro. Reuters)
publié le 18 février 2015 à 15h26

Swissleaks, la révélation d'un sytème d'aide à la fraude fiscale dans la filiale suisse d'HSBC, est un bon coup pour les médias qui l'ont révélé, moins pour d'autres qui s'en sont gardés. Ainsi, le quotidien britannique conservateur The Telegraph doit essuyer depuis mardi la sévère attaque d'un homme qui était encore, pas plus tard qu'il y a quelques semaines, un de ses éditorialistes politiques. Sur le site opendemocracy.net, Peter Oborne, qui vient de démissionner, retrace longuement la façon dont le quotidien, réputé sérieux, a glissé sous le tapis des articles sur HSBC afin d'échapper à une coupure des revenus publicitaires apportés par ce gros annonceur.

Le couronnement du processus que décrit Oborne, c'est donc Swissleaks, dont le traitement par le Telegraph a été pour le moins discret : «Rien le lundi, six maigres paragraphes en bas de la page 2 le mardi, sept paragraphes au fond des pages business le mercredi.» Il faut attendre que les noms de personnes connectées au Labour sortent pour que cet angle intéresse le quotidien conservateur, qui appartient aux frères Barclay.

Mais dès 2013, le Telegraph avait opté pour la discrétion quand il s'agissait de la banque britannique. Ainsi, quand Oborne a proposé au journal un sujet sur des Britanniques musulmans dont le compte avait été fermé sans raison par HSBC, celui-ci avait été refusé en raison d'un «problème juridique». Problème que les avocats n'avaient pas pu lui expliquer. Avant cela, l'article d'un correspondant financier relayant une analyse sur un possible «trou noir» dans les comptes de HSBC avait été supprimé.

Selon Oborne, le comportement du Telegraph dans les affaires qui concernent HSBC est «une forme de fraude vis-à-vis de ses lecteurs». Il a «placé les intérêts d'une banque internationale au-dessus de son devoir d'apporter les informations à ses lecteurs». Et de résumer la situation en un mot : «terrible». D'autant que le journal, ajoute-t-il, a également procédé à de nombreuses réductions d'effectifs ces dernières années, tout en cédant à la tentation du clic facile, par exemple en relayant la fausse histoire d'une femme s'étant fait implanter un troisième sein. Or, le rédacteur en chef, croit savoir Oborne, savait que c'était faux avant même la publication.

Mais Oborne va plus loin en dénonçant un système qui dépasse son ancien employeur : «Les dernières années ont vu grandir l'importance d'exécutifs de l'ombre qui déterminent quelles vérités peuvent et quelles vérités ne peuvent pas être dites par les médias grand public.»

Relayant les révélations de Peter Oborne, le Guardian en profite pour signaler qu'après les révélations Swissleaks, auxquelles il a contribué, HSBC a «mis en pause» ses achats d'espaces publicitaires dans son groupe. Quant au Télégraph, contacté par le Guardian, il dénonce une «attaque étonnante et infondée», assurant que s'il «vise à proposer à ses partenaires commerciaux une gamme de solutions publicitaires, la distinction entre la publicité et nos opérations éditoriales a toujours été fondamentale».