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Libération

Une conseillère d’Abe prône l’apartheid pour les travailleurs étrangers

publié le 18 février 2015 à 20h06

Vanter l'apartheid en guise d'invitation à venir travailler au Japon, il fallait oser. Alors que l'Archipel tente de faire venir 200 000 migrants pour remédier à sa pénurie de main-d'œuvre, une conseillère du gouvernement, par ailleurs éditorialiste influente, vient d'apporter son soutien au projet en prenant comme modèle la ségrégation raciale en vigueur en Afrique du Sud jusqu'en 1991. Ayaka Sono, 82 ans, a signé la semaine dernière dans le quotidien conservateur Sankei Shimbun un point de vue qui a déclenché la fureur de l'ambassadeur d'Afrique du Sud et du Forum Japon-Afrique.

Tout en recommandant d'ouvrir le marché de l'emploi aux travailleurs étrangers, notamment dans les services aux personnes âgées où un million de personnes pourraient être embauchées d'ici à 2025, Ayaka Sono prône une séparation raciale de l'espace. «Les gens peuvent faire des affaires, de la recherche, avoir une vie sociale, mais ils doivent vivre séparément», écrit l'égérie de la droite réac et xénophobe, également romancière. Et d'ajouter : «A partir de ce que j'ai appris de la situation en Afrique du Sud il y a vingt ou trente ans, j'en suis venue à penser que les Blancs, les Asiatiques et les Noirs devaient vivre séparément.»Elle cite l'exemple d'un immeuble de Johannesburg où des Noirs se seraient installés à la fin de l'apartheid, causant le départ des Blancs. «Les Noirs ont pour habitude d'avoir de grandes familles. Par conséquent, ils ont amené leurs familles dans l'appartement qu'ils avaient acheté. Pour les Blancs et les Asiatiques, c'était le bon sens qu'un couple avec leurs deux enfants vive dans le même appartement. Mais les Noirs ont fini par avoir 20 à 30 membres de la famille sous le même toit», écrit-elle.

Le Sankei Shimbun a cru bon de préciser que ce texte ne reflétait que le point de vue de son auteure. En décembre, le quotidien avait dû s'excuser après avoir publié une publicité échafaudant une théorie fumeuse sur la catastrophe du 11 mars 2011 et la responsabilité des juifs. Sono, qui a conseillé Shinzo Abe sur la réforme de l'éducation, semble s'être fait une spécialité de dézinguer les projets du gouvernement. En 2013, à rebours de Shinzo Abe, elle fustigeait les femmes qui reprennent le travail après avoir accouché. Sa nouvelle sortie - pas condamnée officiellement - d'une éminence grise d'Abe donne une image redoutable de la droite japonaise et s'ajoute à la polémique de cet automne, qui a vu deux ministres poser en photo, tous sourires, aux côtés d'un leader néonazi notoire.