L'impopulaire chef de gouvernement de Hongkong proche de Pékin, Leung Chun-ying, a accueilli l'année du mouton, qui a débuté jeudi, en appelant les citoyens à être à l'image de ce signe zodiacal, c'est-à-dire «doux et gentils», après une année caractérisée par les conflits. Le leader argue que le «doux et gentil» mouton «vit en paix avec ses pairs». L'ironie du sort veut que, lors de la «révolution des parapluies» menée par des milliers de militants prodémocratie de septembre à décembre, Leung Chun-ying s'était vu surnommer «le Loup».
Si les autorités chinoises appellent Hongkong à rétablir «l'harmonie» de la société, les habitants, eux, ont une conception bien différente de ce mot. Bien que l'ancienne colonie britannique a été rattachée à la Chine en 1997, elle conserve un régime administratif spécifique, résumé par la formule «un pays, deux systèmes». Hongkong est plus autonome que les territoires continentaux de la République populaire de Chine, mais Pékin continue de s'ingérer dans ses affaires. La Chine s'est ainsi opposée cet automne à l'instauration d'un suffrage universel direct, indépendant de son emprise, ce qui a provoqué les manifestations que les autorités hongkongaises ont combattues à l'aide de gaz lacrymogènes.
«Je n'oublierai jamais qu'ils ont utilisé cette arme sur nous», a déclaré à la presse M. Ng, un militant frustré qui, avec d'autres, a profité jeudi de la célébration du nouvel an chinois place Victoria pour exprimer sa révolte. Il est aussi l'un des inventeurs d'un briquet à l'allure de bonbonne de gaz lacrymogène portant l'inscription «ça ne te fera pas pleurer, ça t'éclairera», que nombre de manifestants brandissaient jeudi. Car la bonne résolution de l'année n'est pas de se plier à la consigne du mouton, mais bien d'y résister. On pouvait également voir reproduite dans la manif la célèbre phrase de John Lennon «You may say I am a dreamer, but I am not the only one» («Vous pouvez dire que je suis un rêveur, mais je ne suis pas le seul»), slogan fréquemment repris cet automne pendant la révolution. Laquelle a laissé à Wong Yeung-tat, leader du groupe protestataire Civic Passion, un sentiment d'échec : «Nous n'avons rien gagné. Nous ne sommes pas assez agressifs.»
Néanmoins, le week-end dernier, de violents heurts ont eu lieu dans un centre commercial de la ville. Des résidents de plus en plus exaspérés par l'attitude chinoise s'en sont pris à des quidams continentaux, simplement venus faire leur shopping. Chaque année, des dizaines de millions de Chinois profitent du système détaxé de Hongkong, la plupart du temps sur une journée, pour acheter des produits et les revendre à profit dans leur ville d'origine. Durant cette période de nouvelle année, comparable économiquement à Noël en Occident, les visiteurs continentaux sont donc particulièrement nombreux. Un Hongkongais, excédé par leur présence, a même exhibé un drapeau de l'ère coloniale.
Face à ce mécontentement, les Chinois font la sourde oreille : «C'est fou, je ne comprends pas pourquoi ils sont si violents. J'étais juste venu acheter des cadeaux pour le Nouvel An lunaire. Je suppose que je devrai dépenser moins d'argent ici à l'avenir», s'étonne un Chinois de Hangzhou (près de Shanghai), interrogé par le South China Morning Post.