Comment achever une guerre qui dure depuis plus de treize ans ? En visite samedi et dimanche à Kaboul et Kandahar, le nouveau secrétaire d'Etat américain à la Défense, Ashton Carter, a laissé entendre que les Etats-Unis resteront engagés en Afghanistan plus longtemps qu'ils ne l'avaient annoncé. Le calendrier prévoyait jusque-là un retrait total des troupes américaines (10 000 soldats environ aujourd'hui) d'ici à la fin 2016. «Barack Obama envisage un certain nombre de possibilités pour renforcer notre soutien à la stratégie de sécurité du président Ashraf Ghani […] Cela pourrait vouloir dire de reconsidérer les dates de fermeture de nos bases», a déclaré Carter. Ce décalage de calendrier est réclamé à la fois par le commandant des troupes américaines dans le pays et par certains dirigeants afghans, qui redoutent qu'un retrait d'ici deux ans provoque une nouvelle dégradation de la sécurité et une diminution de l'aide internationale.
Fragiles. Sur la base de Kandahar, qui a compté plusieurs dizaines de milliers d'hommes au plus fort de la guerre, Carter a confirmé que «le cœur» de la mission américaine était de former et de conseiller les forces de sécurité afghanes. Celles-ci, désormais en première ligne face aux talibans, restent extrêmement fragiles. Sans soutien aérien, elles parviennent à assurer un semblant de sécurité dans les grandes villes mais sont de plus en plus ciblées dans les zones reculées.
Il n’est pas rare que les offensives talibanes mobilisent plusieurs centaines d’hommes, un mode opératoire impossible à tenir à l’époque où les avions et les drones de l’Otan étaient déployés. Selon le ministère afghan de l’Intérieur, plus de 1 360 soldats ont été tués entre mai et octobre. Ce bilan, le plus lourd depuis le début du conflit en 2001, s’explique aussi par l’absence d’hélicoptères pour évacuer les militaires blessés.
Le regain des attaques talibanes se mesure aussi à l’aune du nombre de civils tués ou blessés. L’an dernier, la mission de l’ONU en Afghanistan a comptabilisé plus de 10 500 victimes, une hausse de 22% par rapport à 2013. Plus du tiers l’ont été lors de combats entre les insurgés et les forces de sécurité afghanes.
Face à ces offensives, et au retrait inéluctable des forces américaines, le président Ashraf Ghani se dit favorable depuis plusieurs mois à des négociations avec les insurgés. Davantage que des contacts directs, Ghani tente d’isoler les talibans de leurs principaux soutiens, dont le Pakistan, où il s’est rendu en novembre. Le Président essaie également de pousser Pékin à jouer de son influence sur Islamabad pour qu’il favorise l’établissement de négociations.
Pourparlers. Le plan est subtil, mais rien ne dit qu'il fonctionnera. Officiellement, les talibans refusent de s'engager dans des discussions tant que des troupes étrangères seront déployées. Ils ont également fait savoir qu'ils ne voulaient pas négocier avec Kaboul mais directement avec Washington. Jeudi, plusieurs responsables insurgés ont annoncé l'ouverture imminente de pourparlers au Qatar. La choura de Quetta, le commandement central taliban, a démenti, tout comme Washington, qui a affirmé n'avoir rien prévu «à ce stade». Ces dernières années, les seules négociations avérées entre les Etats-Unis et les talibans se sont cantonnées à la libération du soldat américain Bowe Bergdhal, finalement obtenue en mai 2014 en échange de celle de cinq prisonniers talibans détenus à Guantánamo.