Menu
Libération
Portrait

Bendine, fidèle allié nommé pour colmater la brèche

Le nouveau patron de Petrobras est un banquier proche du PT.
par Chantal Rayes, (à São Paulo)
publié le 27 février 2015 à 19h26

Nul ne l’imaginait à ce poste et pourtant c’est le nouveau capitaine qui va diriger le paquebot Petrobras dans la tourmente : Aldemir Bendine, ex-président de Banco do Brasil, première banque du pays, et fidèle lieutenant de la gauche au pouvoir depuis 2003.

Bien sûr, on a ressorti ses casseroles : notamment un appartement payé en espèces auquel s'est intéressé le fisc, intrigué par ce banquier qui garde un bas de laine. Ou des soupçons de favoritisme à l'encontre de son amie présentatrice de télé, qui a bénéficié d'un prêt de 830 000 euros à taux bonifié. Mais ce n'est pas cela qui a dérangé dans l'arrivée de Bendine à la tête de Petrobras, pour succéder à Maria das Graças Foster, qui avait démissionné le 4 février dans la foulée du scandale de corruption (lire ci-contre).

Gages. Pour restaurer la crédibilité du géant pétrolier, on disait Dilma Rousseff décidée à donner des gages au marché, qui réclamait une gestion indépendante. Quitte à choisir quelqu'un de fort éloigné de ses convictions, un peu comme la Présidente l'avait fait en nommant le très orthodoxe Joaquim Levy ministre des Finances pour relancer une économie aux abois. Même Lula, son mentor, prônait une solution «à la Levy». Mais Rousseff a préféré un homme de confiance.

A la tête de Banco do Brasil, établissement public où il est entré comme simple coursier, ce Paulista de 51 ans n'a pas démérité, au contraire. Mais il n'a pas brillé par son indépendance politique. Lula l'avait nommé à ce poste en 2009, au plus fort de la crise financière internationale. Avec un cahier des charges précis : ouvrir le robinet du crédit et réduire agressivement les taux d'intérêt pour forcer la concurrence à suivre. Bendine a suivi la consigne, faisant fi de la droite qui l'accuse d'avoir transformé la banque en «instrument de la politique économique [de Lula]».

Autrement plus délicate, sa mission à la tête de Petrobras va lui imposer un grand écart permanent. «Il devra prouver qu'il n'est pas là uniquement pour protéger le gouvernement, explique Jean-Paul Prates, analyste du secteur pétrolier. Les investisseurs exigent de la transparence.» Ils veulent savoir à combien s'élève le trou creusé par les prébendes du Parti des travailleurs et de ses alliés.

Audit. Incapable, jusqu'ici, de chiffrer l'impact financier du scandale, Petrobras n'a toujours pas réussi à faire approuver ses comptes… du troisième trimestre 2014. Or, sans l'aval d'un audit indépendant, l'entreprise ne peut avoir accès au marché des capitaux et pourrait donc manquer à terme de liquidités. Un risque qui a poussé l'agence Moody's à rabaisser, mardi, sa note de crédit, passée sans transition de l'investment grade (la catégorie «bon payeur», avec des notes allant de AAA à BBB-) au vulgaire speculative grade (la catégorie inférieure).