Huit Espagnols partis combattre aux côtés des séparatistes pro-Russes dans l’est de l’Ukraine ont été arrêtés après leur retour, vendredi, pour complicité d’homicides, une opération sans précédent en Europe assure la police espagnole. L’opération «Danko» a été menée presque simultanément à l’aube dans six régions espagnoles et visé ces hommes après leur retour de la région de Donbass, dans l’est de l’Ukraine, à quelque 3 000 km de l’Espagne. Ils avaient rejoint les rangs des séparatistes pro-Russes depuis quelques mois.
Selon Kiev, près de 30 000 combattants étrangers sont engagés dans le conflit, dont de très nombreux Russes et des hommes issus des anciennes républiques soviétiques, mais aussi des «mercenaires provenant d'Israël, de Serbie, d'Espagne, d'Italie ou du Brésil». D'autres étrangers, près d'un millier, soutiennent aussi Kiev sur le terrain, selon l'armée ukrainienne.
Les huit Espagnols s’inspiraient des milliers de combattants étrangers des brigades internationales qui s’étaient engagées contre les troupes de Franco pendant la guerre civile espagnole (1936-1939), selon une source proche de l’enquête. D’extrême gauche, certains s’étaient targués de leur engagement dès le mois d’août 2014 dans des medias espagnols.
Kalachnikovs et réseaux sociaux
«Tous s'étaient incorporés à des groupes de séparatistes pro-russes qui luttent pour l'indépendance des régions ukrainiennes de Lugansk et Donetsk», a précisé le ministère de l'Intérieur dans un communiqué. «Ces arrestations m'attristent», a déclaré à Donetsk Denis Pouchiline, un responsable séparatiste. «Je pense que l'on va demander des explications à l'Espagne sur cet incident, il y a beaucoup de volontaires dans nos rangs, le plus grand nombre venant de Russie, mais il ya aussi des représentants d'Espagne, d'Italie, de France (...). C'est la première fois qu'ils ont des problèmes de ce genre», a-t-il assuré. Pendant leur séjour ils ont «diffusé à travers les réseaux sociaux des images de leurs entrainements, se montrant en uniformes de type paramilitaire avec des fusils d'assaut et des engins explosifs, faisant état de leur soutien aux sécessionnistes armés», poursuit le ministère.
Les arrestations ont eu lieu dans les Asturies (nord), la région de Navarre, en Catalogne (nord-est), l’Extrémadure (ouest), à Madrid, Murcie (sud-est). Les hommes sont soupçonnés de «possession d’armes de guerre», «coopération ou complicité de participation à un homicide», et de «violation de la neutralité» de l’Etat espagnol à l’égard de ce conflit, autant de délits pour lesquels ils peuvent être poursuivis, a-t-on aussi noté de source proche de l’enquête en soulignant que les vidéos serviraient de preuves à charge.
Sur une video diffusée sur internet, «Maki», âgé de 27 ans, l'un des hommes arrêtés vendredi, s'entraîne au maniement d'un fusil AK-47, exhibant un bracelet reproduisant les couleurs du drapeau républicain en Espagne. Avec un autre espagnol, «Zidan» âgé de 22 ans, il avait accordé en août un entretien à la chaîne de télévision privée espagnole La Sexta pour expliquer ses motivations.
«Les Etats-Unis tentent de provoquer la troisième guerre mondiale ici contre la Russie», dit le second, originaire de Murcie (sud-est) qui montre aussi ses tatouages sur la poitrine: Lenine à droite et Staline à gauche. «Je suis fils unique. Ma mère, mon père, toute ma famille souffrent beaucoup, mais ils savent que pour être heureux je dois pouvoir aider les gens», explique-t-il encore. Selon un autre article du journal espagnol El Mundo, en août 2014 ces deux Espagnols étaient issus des jeunesses communistes.
«Dans ce conflit, des centaines de civils ont été tués, la plupart ukrainiens» rappelle la police espagnole en soulignant qu'il s'agit de la «première opération menée en Europe visant les activités de combattants étrangers dans le cadre du conflit ukrainien». Le conflit a fait plus de 5 800 morts en dix mois.