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Libération
Décryptage

La naissance de jumeaux chez des sexagénaires enflamme l’Autriche

publié le 27 février 2015 à 19h56

Ala une du quotidien autrichien Kurier, son heureux mari pose fièrement avec leurs jumeaux dans les bras. Prénommés Eldion et Elmedin, les garçons sont nés mercredi dans une clinique de Haute-Autriche, dans le nord du pays. La mamie-maman et son compagnon, des résidents originaires du Kosovo, sont respectivement âgés de 60 et 63 ans. Le père se sent «comme s'il venait lui-même de naître une nouvelle fois» et présente également à la presse leur aînée de 3 ans, Evlera, elle aussi conçue grâce à une insémination artificielle. Pour réaliser son rêve de parentalité tardive, le couple s'est rendu à l'étranger mais refuse d'en dire plus : en Autriche, on voue un culte à la mère nature et le don de sperme est réservé aux femmes en âge de procréer, c'est-à-dire n'ayant pas atteint la barrière fatidique des 45 ans.

Pour la première fois, la société autrichienne est confrontée à la grossesse gémellaire d’une mère sexagénaire. L’accouchement s’est déroulé sans complications et les téméraires géniteurs ont fait mentir les statistiques qui veulent que ce genre de projet soit très risqué pour la santé de la mère comme pour celle des nouveau-nés. Cette naissance va sûrement relancer un débat sur la bioéthique qui venait juste d’être clos. Le 21 janvier, le Parlement avait adopté une loi autorisant la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes. Les dons d’ovules sont également légalisés et l’accès à la fécondation in vitro (FIV) a été élargi aux femmes pacsées ou vivant en union libre. Auparavant, seuls les couples dûment mariés pouvaient y prétendre. Le gouvernement de grande coalition entre la gauche et la droite vient par ailleurs d’ouvrir la porte au diagnostic pré-implantatoire, un examen qui permet de détecter des trisomies dans les embryons conçus après FIV et donc de les sélectionner.

Tout cela faisait déjà beaucoup à digérer, dans un pays où l’Eglise catholique, qui conserve son influence politique, se bat pour ancrer dans la Constitution l’interdiction des mères porteuses. Cette arrivée fracassante d’Eldion et d’Elmedin lui rappelle que la filiation s’est, comme le reste, mondialisée : les restrictions nationales ne seront plus des barrières insurmontables pour les couples ayant envie de donner la vie, coûte que coûte.