La loi naturelle s'opposant aux thèses de Darwin, le créationnisme (théorie selon laquelle l'univers et les êtres vivants sont d'origine divine), l'idée du péché originel… Ce qui semblait avoir pour de bon disparu des écoles espagnoles revient en force. Selon les termes du concordat signé en 1979 entre l'Espagne et le Vatican, l'épiscopat espagnol se charge de rédiger le contenu des cours de religion, une matière certes facultative dans l'enseignement public comme dans le privé, mais qui, dès lors qu'elle est choisie par un élève, a autant d'importance que les mathématiques ou les sciences physiques pour le bac ou l'obtention d'une bourse. Or, à la surprise générale, alors que le très conservateur épiscopat avait adopté un profil bas depuis que le pape François tient un discours progressiste, il a décidé de revenir «aux sources», selon son expression.
Sauf que ce nouveau catéchisme, substitut aux manuels modérés qui tiennent compte de thèses antagoniques (notamment sur l'origine du monde), a provoqué une levée de boucliers dans la sphère politique contre l'Eglise et le Parti populaire au pouvoir. Toutes les formations fustigent «une théologie archaïque», fondée sur «des idées rétrogrades», et dénoncent une «offensive dogmatique et d'endoctrinement». Pour Carlos Gorriarán, du UPYD (centriste), «ce genre de catéchisme d'un autre âge pourrait à la limite avoir sa place dans un cours extrascolaire tenu par des religieux. Mais qu'il fasse partie du corpus de l'enseignement, c'est une déraison».
En face, le vice-président de l'épiscopat, Mgr Carlos Osoro, se défend : «Endoctrinement ? Mais cela respecte pleinement l'esprit des Evangiles !» La polémique a permis de faire affleurer un vieux débat. Le concordat de 1979 accorde pleine liberté aux évêques espagnols pour le contenu des cours de religion et leur donne aussi le pouvoir de choisir les professeurs de cette matière, alors même que ces derniers sont rémunérés par l'Etat. Hormis les nationalistes catalans et basques de CIU et du PNV - démocrates-chrétiens -, tous les partis d'opposition sont favorables à la renégociation du concordat pour éviter «ce genre de pouvoirs exorbitants accordés à l'Eglise».
«Que les chrétiens, qui seraient plus de la moitié de la population, aient du poids est acceptable, poursuit Gorriarán. Mais l'aberration, c'est que l'Eglise a un statut d'Etat dans l'Etat.» De son côté, le gouvernement de Mariano Rajoy se garde bien d'entrer dans le débat. Alors que cinq élections auront lieu cette année, il sait que les nouveaux manuels scolaires ultraconservateurs flatteront son électorat le plus radical : de quoi mobiliser ses troupes, pensent ses dirigeants, alors que certains sondages les donnent battus dans les urnes par les indignés de Podemos.