Après s'être attaqué la semaine dernière au musée de Mossoul, en Irak, l'Etat islamique (EI, ou Daech) est entré jeudi avec des bulldozers dans la cité antique de Nimrod, une action qualifiée de «crime de guerre» par l'Unesco. Qaïm Hussein Rachid, vice-ministre irakien chargé des Antiquités, craint que ce ne soit qu'un début.
Le grand musée de Bagdad, pillé en 2003, puis fermé, vient de rouvrir…
Sa réouverture, programmée pour avril, était prévue depuis longtemps, mais le gouvernement voulait inviter des représentants des pays qui nous ont aidés à sauver notre patrimoine. Le Premier ministre a avancé sa réouverture en réponse à ce qui s’est passé à Mossoul. Il a été le premier visiteur.
Combien de pièces ont été retrouvées ?
15 000 pièces ont été volées et 4 300 retrouvées. Les Etats-Unis en ont récupéré 1 400, la Jordanie 1 800, la Syrie (avant la guerre) 700, la France 23, l’Espagne 22.
Manque-t-il des pièces uniques ?
Elles ont toutes été retrouvées. La tête de femme sumérienne a notamment été découverte en 2005 par des soldats américains, enterrée dans la banlieue de Bagdad. Un coup de chance : ils pensaient avoir affaire à des terroristes, mais c’étaient des trafiquants d’antiquités.
Ce qui s’est passé à Mossoul la semaine dernière est-il plus grave ?
Beaucoup plus grave ! Quand un musée est pillé, on a l’espoir de retrouver les pièces. Or, depuis le mois de juillet, Daech ne vole pas seulement les antiquités, il les détruit. Ils ont dynamité des mosquées, des églises, des tombeaux…
Comme celui de Nabi Younès, le prophète Jonas ?
Oui, et c’est d’autant plus grave qu’il était construit sur une colline historique, sous laquelle se trouvait enfoui un grand palais assyrien. Avec l’explosion, elle s’est effondrée, et tout ce qui était dessous a été endommagé. Et ce qui s’est passé dans la ville est autrement plus grave qu’au musée, où il y avait beaucoup de copies : ils ont détruit les grands taureaux ailés qui gardaient la porte d’Assur et une fresque inestimable construite à l’époque d’Assurbanipal
Vous parlez des églises ?
Pas toutes. Il en reste quelques-unes. Sur 28 sites religieux de première importance, seule la moitié n’a pas été détruite. Et Daech a ramassé 15 000 manuscrits dans plusieurs églises et monastères pour en brûler une partie sur une place publique de Mossoul et faire commerce de l’autre. Une version très ancienne de l’Ancien Testament, volée au couvent de Deir Meti, proche de Mossoul, est arrivée en Israël.
Hormis l’Irak, existe-t-il des filières pour exporter ces antiquités ?
Des fouilles illégales, je ne vais pas dire qu’en Irak, cela n’existait pas avant. Mais elles étaient dans le Sud. A présent, Daech a mis en place des bandes mafieuses pour les exporter.
Avec la complicité de certains Etats comme la Turquie, par exemple ?
En tant que citoyen, je suis d’accord avec vous, mais en tant que ministre, je ne peux rien dire, si ce n’est qu’il y a des Etats complices.
Que craignez-vous à présent ?
Je crains que le pire soit à venir. On sait qu’ils ont piégé les murailles de l’ancienne ville assyrienne d’Assur. Si tous ces crimes restent sans réponse, ils vont faire encore pire. Or la réaction de la communauté internationale est timide. Et les opérations militaires de la coalition sont très faibles. Malheureusement, je crains que nous nous préparions à des nouvelles encore plus catastrophiques.