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Libération
Récit

Rousseff cernée par le «Petrolão»

La plupart des partis sont éclaboussés par le scandale de corruption qui frappe la compagnie pétrolière brésilienne. Même les présidents du Parlement et du Sénat, alliés de la chef de l’Etat, sont visés.
Une parodie à l’effigie de la présidente du Brésil lors d’une manifestation à Brasília le 21 mai 2014. (Photo Ueslei Marcelino. Reuters)
par Chantal Rayes, Correspondante à São Paulo
publié le 9 mars 2015 à 19h06
(mis à jour le 9 mars 2015 à 19h26)

«Dilma, dehors !» De São Paulo à Rio, en passant par Brasília, Belo Horizonte et Recife, la clameur est montée des fenêtres des beaux quartiers, dimanche soir, pendant le discours à la nation prononcé par la présidente, Dilma Rousseff (Parti des travailleurs, PT), pour défendre les mesures d'austérité économique prises par son gouvernement. Concert de casseroles (panelaço) et de klaxons, insultes… Nul doute que cette «impressionnante manifestation de rejet», comme l'écrit la Folha de São Paulo, alimentée par la débâcle économique comme par la corruption au sein de Petrobras, la compagnie pétrolière nationale, est un succès pour l'obscur Mouvement du Brésil libre qui l'avait convoquée la veille et qui figure parmi les organisateurs d'une manifestation prévue le 15 mars dans quelque 200 villes pour réclamer la destitution de la chef de l'Etat.

«Le palais du Planalto, qui ne prenait pas vraiment au sérieux cette mobilisation, a désormais des raisons de s'inquiéter», écrit encore l'influente Folha, selon laquelle le fait que Rousseff ne soit pas pour l'instant mise en cause dans le Petrolão (le scandale Petrobras) «semble peu importer». La publication, vendredi soir, de la liste des politiciens impliqués semblait pourtant avoir offert un répit à une présidente de plus en plus isolée et impopulaire (avec seulement 23 % d'opinions favorables). Son nom n'y figure pas, ce qui devrait affaiblir le mouvement favorable à sa destitution, veut encore croire la gauche. Ni le procureur général, Rodrigo Janot, ni le juge rapporteur de l'affaire à la Cour suprême, Teori Zavascki, n'ont jugé bon d'inquiéter Rousseff. Il n'y a «pas le moindre indice» contre elle, a assuré Zavascki.

Figures. Un des dénonciateurs, passé aux aveux dans l'espoir d'une remise de peine, assure pourtant que Dilma et son prédécesseur, Lula, étaient au courant de ce qui se tramait à Petrobras. Sa première campagne pour la présidence, en 2010, aurait même bénéficié de fonds détournés du géant pétrolier.

La «liste de Janot», comme on l'appelle là-bas, met en cause 48 politiciens, dont 34 parlementaires, presque tous de la coalition au pouvoir. Accusés d'avoir reçu des fonds détournés de Petrobras, ils sont désormais visés par une enquête de la Cour suprême. La plupart d'entre eux sont du Parti progressiste (PP), une formation qui soutient les gouvernements en place pour puiser dans les caisses publiques. Mais sur la fameuse liste figurent aussi rien de moins que le président du Parlement, Eduardo Cunha, et celui du Sénat, Renan Calheiros, tous deux du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), une des principales formations de la coalition au pouvoir. Au PT, huit figures sont en cause, dont le trésorier et deux anciens chefs de cabinet de Dilma. L'opposition n'est pas en reste, avec un sénateur proche d'Aécio Neves, président du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB, centre droit) et candidat malheureux à la dernière présidentielle. Neves lui-même est cité dans l'affaire mais, dans son cas, la Cour n'a pas donné suite.

«Manipulation». Rousseff misait sur la publication de la liste, qui éclabousse toute la classe politique, pour réduire la pression sur son parti. Or, la crise politique s'étend désormais au pouvoir législatif, qui doit approuver les mesures nécessaires pour relancer une économie aux abois. Et, convaincus d'être victimes d'une «manipulation» venue du gouvernement, malgré leur sulfureuse réputation, ses «alliés» Calheiros et Cunha crient vengeance. Enfin, tous les délateurs du Petrolão n'ont pas encore parlé. Selon certains, l'enquête devrait être bien plus accablante encore pour le PT.