C’est aux confins ouest de la province de la Rioja, dans un désert de pierres rouges de la précordillère des Andes, à 1 100 kilomètres au nord-ouest de Buenos Aires, que les deux hélicoptères Eurocopter AS 350 se sont percutés lundi soir, tuant dix personnes dans l’explosion qui en a résulté.
Comme les coureurs du Dakar il y a quelques mois, l'équipe d'Adventure Line Productions, une société française spécialisée dans la télé-réalité, était venue inscrire sa nouvelle émission dans ces paysages de carte postale qu'offre l'Argentine. Le pitch de Dropped, le nouveau jeu type Survivor qui aurait dû être diffusé sur TF1 ? Lâcher des sportifs de haut niveau en terrain hostile, les yeux bandés, sans eau ni nourriture, pour une expérience de survie filmée sous toutes les coutures.
Hypothèses. Arrivée il y a plus d'une semaine à Buenos Aires, l'équipe avait déjà filmé la première partie du programme en Terre de Feu, à l'extrême sud du pays. L'étape suivante, c'était la Quebrada del Yeso. Un canyon couleur brique menant à un volcan qui culmine à 5 400 m. Au loin, les cimes enneigées de la cordillère des Andes, à quelques centaines de kilomètres de l'endroit où, en 1972, d'autres sportifs vécurent une expérience de survie bien réelle : durant soixante-douze jours, l'équipe de rugby uruguayenne s'accrocha à la vie comme elle le put après le crash de son avion en haute montagne, avant que deux d'entre eux traversent à pied les sommets pour trouver des secours.
Lundi après-midi, les deux hélicoptères ont décollé par temps clair en bordure du village de Villa Castelli, situé à une trentaine de kilomètres du site. A bord, trois figures du sport français : la navigatrice Florence Arthaud, 57 ans (lire pages 4 à 6), la nageuse Camille Muffat, 25 ans, championne olympique en 2012 (page 7), et le boxeur Alexis Vastine, 28 ans (page 8). Avaient également pris place, en plus des deux pilotes argentins, cinq journalistes, assistants, réalisateurs et preneurs de son (page 6). Aucun n'a survécu.
Pour l’instant, trois hypothèses sont évoquées pour tenter d’expliquer le crash. La première : le moteur de l’un des hélicoptères a failli, quelques minutes après le décollage, et a propulsé les appareils l’un contre l’autre. La deuxième : l’un des engins a été pris dans un tourbillon ascendant d’air chaud. La troisième : l’erreur humaine. Dans tous les cas, une collision suivie d’une explosion, et une pluie de débris de métal brûlant.
Le patineur Philippe Candeloro, qui participait à l'émission (comme le nageur Alain Bernard, la cycliste Jeannie Longo, le footballeur Sylvain Wiltord et la snowboardeuse Anne-Flore Marxer) a assisté au drame. «Ils étaient à 400, 500 mètres lorsqu'ils ont entendu un bruit énorme, raconte son agent. Ils ont couru vers les flammes pour éteindre l'incendie, mais n'ont rien pu faire. Philippe est très choqué.» Alain Bernard a écrit dans un SMS à l'AFP : «Les autres n'ont pas eu la chance de s'en sortir. On est abasourdis.»
L'un des hélicoptères appartenait à la province de la Rioja, qui l'avait prêté dans le but de promouvoir le tourisme. L'autre avait été acheminé depuis sa voisine Santiago del Estero. Le gouverneur de la province de la Rioja, Luis Beder Herrera, assurait mardi : «Il s'agit d'Eurocopter neufs, en excellente condition et avec toutes les assurances en ordre. Ce sont les meilleurs pour la montagne. Nous sommes très mal ici, absolument consternés.»
Enquête. L'équipe de police locale, arrivée dans la nuit sur ces lieux reculés (300 km de routes chaotiques à l'ouest de la capitale, La Rioja), devra déterminer les causes de l'accident. En parallèle des investigations argentines, une enquête pour homicides involontaires a été ouverte à Paris, et confiée à la section de recherches de la gendarmerie des transports aériens. Deux enquêteurs techniques du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), spécialisés dans les accidents aériens, devaient arriver mardi soir à Buenos Aires. Ils seront accompagnés d'un conseiller technique d'Airbus Helicopters et d'un autre de Turbomeca, fabriquant français de moteurs d'avions et d'hélicoptères.
Mardi soir, les corps commençaient à être retirés des décombres du crash pour être transportés à la morgue de La Rioja. Andres Navarrete, le maire de Villa Castelli, déclarait à la télévision argentine, en se tordant les mains, l'air hagard : «C'est dantesque, je ne comprends pas. Vous comprenez, vous ? En un instant, tout a basculé. En un instant seulement.»