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Libération

Katharine Viner, première femme à la tête du «Guardian»

publié le 22 mars 2015 à 20h26

Elle a le Guardian dans le sang. Ses parents instituteurs le lisaient, et elle y a passé presque toute sa carrière. Katharine Viner, 44 ans, nouvelle rédactrice en chef du quotidien de centre gauche, y a aussi tout fait. Du magazine en art de vivre à l'actualité brûlante, des tribunes éditoriales à l'édition dominicale du journal «sœur» (sunday sister, selon la terminologie du groupe) The Observer, elle est passée partout. Elle avait 26 ans lorsqu'elle a rejoint le Guardian, après trois ans au Sunday Times. C'était en 1997. Deux ans plus tôt, Alan Rusbridger, à qui elle succède, prenait ses fonctions de rédacteur en chef.

Créé en mai 1821, le Guardian n'a connu que onze rédacteurs en chef avant Katharine Viner, qui devient la première femme à le diriger et la seule à la tête d'un quotidien dit de qualité au Royaume-Uni. En janvier, Zanny Minton Beddoes a été nommée à la tête de l'hebdomadaire The Economist, mais ni le Times ni le Financial Times ou le Daily Telegraph n'ont jamais été dirigés par une femme. En mai, elle avait remporté 53% des suffrages du personnel du Guardian et de The Observer. Et vendredi, après sept heures de grand oral contre le dernier sur la liste des 26 candidats, elle a gagné. Elle arrivera de New York, où, depuis août dernier, elle dirigeait l'édition numérique du Guardian américain. Avant, elle avait passé seize mois à Sydney pour lancer son édition australienne. Dans sa profession de foi en treize points, elle a plaidé l'«instinctivement numérique» tout en appelant à «chérir le papier dès que nous choisissons de le garder». The Guardian tire à 177 000 exemplaires. Sa circulation s'érode, comme celle de tous les quotidiens outre-Manche. Katharine Viner s'est aussi prononcée en faveur du maintien de la gratuité du site. Perçue comme plus à gauche que son prédécesseur, qui prendra l'été prochain la direction du Scott Trust, l'organe qui possède le Guardian, elle prend la tête d'un journal radicalement transformé pendant les vingt ans de la direction de Rusbridger - qui a vu le quotidien récompensé du prix Pulitzer 2014 pour son scoop sur Snowden.

Mais le journal s'est endetté ces dernières années, notamment en développant des éditions numériques à l'étranger, qui sont des succès mais coûtent très cher. L'audience internationale globale de la plateforme numérique du Guardian compte une moyenne mensuelle de 120 millions de visiteurs uniques. Si le groupe accuse pour l'année 2014-2015 des pertes de l'ordre de 20 millions de livres (27,6 millions d'euros), il peut compter sur un matelas en cash de 800 millions (1,1 milliard d'euros) constitué par le Scott Trust.