L’Espagne est entrée dans un nouveau cycle électoral : fini, les majorités absolues et le bipartisme, le temps est arrivé des coalitions nécessaires, tout particulièrement avec des formations neuves, en plein essor, et menaçantes pour les pouvoirs en place. C’est le constat principal de l’élection régionale de ce dimanche en Andalousie - la région espagnole la plus peuplée et au fort pouvoir symbolique -, premier round d’une année où plusieurs scrutins vont s’enchaîner avant de culminer vers les élections générales, en novembre.
Le Parti socialiste (PSOE, dans l'opposition au niveau national) est, certes, l'indiscutable grand vainqueur : la très énergique Susana Díaz, qui avait mené une campagne tambour battant, obtient 47 députés à elle seule - comme en 2012 -, à 8 sièges de la majorité absolue, et parvient à conserver ce qui est le grand bastion de la gauche depuis trois décennies. «C'est un triomphe !» a-t-elle affirmé, euphorique, signalant que ce résultat va relancer une formation qui, à l'échelle espagnole, est en pleine déliquescence.
Gifle. S'il met du baume au cœur des socialistes, ce scrutin est une gifle pour le Parti populaire (PP), au pouvoir à Madrid. Il perd 17 sièges par rapport aux précédentes élections, un net revers pour le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, qui était convaincu que la timide reprise économique (meilleures exportations, baisse du chômage et déficit public sous contrôle) allait supposer un sursaut électoral en sa faveur.
Il a dû déchanter et, pire, constater qu'il allait désormais falloir compter avec des formations montantes au très fort potentiel. A commencer, pour le PP, par le parti Ciudadanos («citoyens»), un mouvement catalan centriste qui a aujourd'hui une vocation nationale, et lui a raflé 360 000 suffrages. Son jeune leader, Albert Rivera, avait des raisons, dimanche, de bomber le torse : «C'est la fin de la domination des deux partis de toujours, c'est la fin de l'arrogance des majorités absolues.» D'après tous les analystes, avec 9 sièges, Ciudadanos va devenir l'arbitre des futures coalitions.
L'autre grand acteur, c'est Podemos, le Syriza espagnol né du mouvement des Indignés apparu à Madrid en 2011, qui, comme Ciudadanos, prône la lutte sans quartier contre la corruption, la fin de l'austérité et une «profonde régénération démocratique».
«Poils à gratter». Créé en janvier 2014, dépourvu de structures et d'expérience, Podemos décroche 15 députés. «Pour des nouveaux venus, qui ne vivent que de leur image et de leur marque, c'est un score considérable, analyse le journaliste Iñaki Gabilondo. Après ce séisme, le paysage politique ne sera plus le même, les grands partis vont devoir sceller des alliances avec ces poils à gratter de l'échiquier.»
Passé le «galop d'essai andalou», les commentateurs pointent déjà du doigt les municipales et les régionales de mai, où les conservateurs au pouvoir pourraient essuyer de nouvelles défaites. Habituée à des majorités claires, l'Espagne semble se diriger vers une situation politique bien plus instable, dominée par les alliances. Pour l'heure, le Podemos de Pablo Iglesias n'en envisage aucune, persuadé que sa marge de progression est très grande. «Rajoy devrait prendre l'avertissement andalou très au sérieux, poursuit Iñaki Gabilondo, et se demander pourquoi ces nouveaux partis sont si en vogue.»