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Libération
Récit

Etats-Unis : l'Utah rétablit les pelotons d'exécution

Alors que le pays rencontre des difficultés d'approvisionnement en barbituriques pour injection létale, plusieurs Etats rétablissent des méthodes de mise à mort alternatives.
Ronnie Lee Gardner est le dernier condamné à mort de l'Utah à avoir été exécuté par un peloton, en 2010. (Photo Ho. AFP)
publié le 24 mars 2015 à 13h30

Ronnie Lee Gardner est le dernier condamné à mort de l’Utah à être passé devant un peloton d’exécution. C’était en 2010. Depuis lundi, cet Etat de l’Ouest américain pourra de nouveau faire exécuter ses prisonniers au fusil, une méthode qui avait été abandonnée pour les condamnations postérieures à 2004. C’est un cas unique aux Etats-Unis, où les difficultés d’approvisionnement en barbituriques pour injection létale ont récemment relancé le débat autour de la peine de mort, surtout après qu’au moins trois condamnés, Clayton Lockett dans l’Oklahoma, Joseph R. Wood dans l’Arizona et Dennis McGuire dans l’Ohio, ont agonisé des heures à cause d’un produit mal calibré.

Pour certains, l'idée de rétablir les pelotons d'exécution est «barbare», rapporte le Huffington Post. Seulement 12% des Américains la jugent acceptable, selon un sondage NBC cité par le Time. Mais Marty Carpenter, porte-parole du gouverneur républicain de l'Utah, Gary R. Herbert, estime que «ceux qui ont fait part de leur opposition au texte [rétablissant les pelotons d'exécution, ndlr] sont principalement des opposants à la peine capitale en général, et cette décision a déjà été prise dans notre Etat. Nous regrettons que qui que ce soit commette un crime haineux qui mérite la peine de mort, et nous préférons utiliser la méthode de l'injection létale quand une telle peine est prononcée. Cependant, quand un jury prend la décision [de déclarer une personne coupable, ndlr] et qu'un juge signe un ordre de peine de mort, l'exécutif est obligé d'aller dans le sens de cette décision».

Une mort «indolore»

Si les partisans de cette méthode en vantent la rapidité et l'efficacité, le Time Magazine rappelle qu'au moins deux exécutions de ce type peuvent être considérées comme ratées. En 1879, un certain Wallace Wilkerson s'est légèrement déplacé, et les tireurs ont manqué son cœur. En 1951, un autre condamné, Eliseo Mares, a été touché à l'estomac et à la hanche, le tireur ayant manqué sa cible. Quant à la notion de douleur, impossible d'affirmer avec certitude que mourir ainsi est indolore. En 1938, des médecins avaient monitoré l'activité cardiaque d'un condamné à mort par cette méthode et constaté que son cœur s'était arrêté dans les vingt secondes suivant les tirs, rappelle encore le magazine.

Récemment, les difficultés d'approvisionnement en produit à injection létale ont poussé quelques-uns des 32 Etats où la peine de mort est encore en vigueur à adopter des solutions alternatives. L'année dernière, le Tennessee a ainsi rétabli l'usage de la chaise électrique (si le condamné l'accepte), et cette année, l'Alabama a fait de même, rappelle le Washington Post, qui note que la Virginie, le Wyoming et le Missouri avaient également tenté de rétablir cette méthode d'exécution, mais que les textes avaient échoué.

En Oklahoma, c'est la mort par suffocation, plus précisément par inhalation d'azote, qui pourrait être adoptée. Selon l'élu républicain Mike Christian, il s'agirait d'une méthode non douloureuse et peu coûteuse. Elle consiste à placer un sac ou un masque à gaz sur la tête d'un condamné, à y injecter de l'azote – gaz inodore largement présent dans l'air mais qui n'est dangereux que lorsque l'oxygène est insuffisant – et le laisser s'évanouir puis mourir. Or, note le journal, personne ne peut réellement savoir s'il s'agit d'une mort indolore. Un article du Journal of Medical Ethics datant de 2009 expliquait que «la mise à mort par privation d'oxygène apparaît comme potentiellement rapide et non douloureuse». Trois professeurs de l'East Central University ont également produit un rapport affirmant que cette méthode était «humaine». Mais comme l'a relevé The Oklahoman, l'un de ces professeurs, Michael Copeland, avait participé à la campagne électorale du gouverneur… Et aucun des signataires du rapport n'était médecin, avait alors noté la représentante démocrate Emily Virgin.

Selon le Death Penalty Information Center, cité par le Huffington Post, huit Etats autorisent l'utilisation de la chaise électrique, quatre la chambre à gaz, et trois autres la pendaison. Le mois prochain, la Cour suprême américaine doit se prononcer sur la constitutionnalité des injections létales, qu'elle avait déjà jugées acceptables en 2008. Ces dernières années, un peu plus de 3 000 personnes se trouvaient dans le couloir de la mort. C'est six fois plus qu'à la fin des années 60.