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Libération

Le seul moyen de sauver Israël et la Palestine

publié le 24 mars 2015 à 17h06

Si on ne leur impose pas la paix, Israéliens et Palestiniens vont maintenant à la catastrophe. Ils y vont ensemble parce que la coalition de droite que les Israéliens viennent de reconduire ne veut pas de la création d’un Etat palestinien et que, privés de cette perspective, les Palestiniens ne pourront que retomber dans une violence qui ne les mènera à rien mais enfermera Israël dans une logique de répression tout aussi vaine et bientôt dangereuse pour sa survie.

Côté israélien, l’extrême droite ne veut à aucun prix d’un Etat palestinien qui ne pourrait, à ses yeux, que devenir une base de missiles visant Israël comme l’est effectivement devenu Gaza depuis que les Israéliens s’en sont retirés. Benyamin Nétanyahou est, lui, plus ambigu. Il lui est arrivé, dans un discours, un seul, d’accepter l’idée d’un Etat palestinien mais n’a jamais rien fait, au contraire, pour en favoriser la naissance avant de la refuser catégoriquement pour siphonner les voix des extrêmes droites nationalistes et religieuses à la veille des législatives puis de l’accepter à nouveau, au lendemain de sa victoire, mais pas pour aujourd’hui, a-t-il précisé dans le même souffle.

Ce Premier ministre n’envisage la coexistence de deux Etats qu’en mots et par intermittence. Il ne feint d’en admettre le principe que pour ne pas aggraver l’isolement international d’Israël mais, en la remettant aux calendes grecques, il rompt avec ce qui était devenu l’horizon de ces deux peuples depuis la signature des accords d’Oslo, il y a plus de vingt ans.

C’était là un horizon toujours plus lointain, toujours plus incertain, un horizon, surtout, que menaçaient toujours plus le développement des colonies de peuplement dans les Territoires occupés et la division des Palestiniens entre islamistes du Hamas, maîtres de Gaza, et laïques du Fatah, en contrôle de la Cisjordanie et partisans, eux, d’un compromis territorial. Il y a bien longtemps que la paix par la coexistence de deux Etats avait pris l’allure d’un insaisissable mirage mais, fiction politique ou pas, cette perspective donnait sa raison d’être à l’Autorité palestinienne, embryon d’un Etat en devenir qui continuait, malgré tout, d’incarner un espoir pour son peuple.

Sous la présidence de Mahmoud Abbas, l’Autorité palestinienne avait su assurer un développement économique de la Cisjordanie et lutter contre le Hamas et ses réseaux mais, dès lors que s’évanouit l’horizon dans lequel elle s’inscrivait, elle ne peut plus qu’entrer dans une dynamique de confrontation avec Israël. Mahmoud Abbas menace de traîner Israël devant la Cour pénale internationale. Il a de plus en plus de mal à opposer sa volonté de compromis à l’intransigeance du Hamas que nourrit, dans un cercle vicieux, celle de la droite israélienne.

A ce rythme, la coopération sécuritaire entre Israël et l’Autorité palestinienne aura bientôt vécu. Le face-à-face qui pourrait vite les opposer conduira à un bras de fer dont les seuls gagnants seront l’extrême droite israélienne et les islamistes palestiniens. L’une poussera à l’annexion de tout ou partie des Territoires occupés en invoquant des impératifs de sécurité devenus réels. Les autres feront tout pour qu’on en arrive là puisqu’ils pourraient alors justifier et multiplier leurs attentats tandis qu’Israël s’enfoncerait inexorablement dans la spirale de l’apartheid, perdrait peu à peu tous ses soutiens et se réveillerait, un jour, avec une population majoritairement palestinienne contre laquelle il ne pourra pas bien longtemps défendre son identité de foyer national juif.

C’est une guerre totale, permanente et non plus seulement épisodique, qui menace ces deux peuples. C’est pour cela que ne pas leur imposer un règlement de paix relèverait de la non-assistance à peuples en danger, d’un aveuglement d’autant plus irresponsable et criminel qu’Américains et Européens ont les moyens de le faire.

Israël a tant besoin du soutien diplomatique et de l'aide économique et militaire des Etats-Unis qu'il a suffi, mercredi dernier, que la Maison Blanche annonce qu'elle allait «réévaluer» l'appui qu'elle lui apporte à l'ONU pour que Benyamin Nétanyahou jure qu'il n'avait pas définitivement répudié l'idée des deux Etats. L'Union européenne assure, de son côté, les fins de mois de l'Autorité palestinienne qui, sans elle, ne pourrait plus payer ses fonctionnaires.

A eux deux, l’Europe et l’Amérique ont tous les moyens de pression possibles sur les deux parties. Les moindres détails d’un règlement sont connus depuis le plan de paix qu’avait proposé Bill Clinton en 2001, et si Barack Obama se résolvait, avec le soutien de l’Europe, à sommer Israéliens et Palestiniens d’accepter un compromis juste et durable, il aurait de vraies chances d’être entendu par la majorité des deux peuples. Rien ne coûterait, en tout cas, d’essayer car il en est plus que temps.