La formation d’une coalition militaire arabe était au menu des discussions du sommet de la Ligue arabe, qui se tient dans la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh. Le débat devait se tenir samedi. La guerre a finalement eu lieu jeudi. Les 22 Etats membres de la Ligue arabe ont été rattrapés par le chaos yéménite et poussés, avant même les discussions, à entrer en guerre.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, les avions de combats saoudiens ont mené des raids sur la capitale du Yémen, Sanaa, notamment dans les quartiers jouxtant l'aéroport. L'Egypte, souvent présentée comme l'épine dorsale de la coalition, a annoncé l'envoi de quatre navires en route pour le golfe d'Aden, ainsi qu'une force aérienne capable de prêter main-forte à l'allié saoudien, l'un des principaux bailleurs de fonds de l'actuel régime, dirigé par un ancien maréchal. «Toute menace contre l'Arabie Saoudite est une menace contre l'Egypte, soutient un général égyptien à la retraite. C'est notre allié. Nous avons un rôle central à jouer dans la guerre contre les Houthis armés par l'Iran.» Ces miliciens chiites font désormais face à une alliance des puissances sunnites de la région.
Solidarité. Quelques heures après le début des hostilités, Le Caire a rappelé son soutien «politique et militaire» à Riyad, évoquant, si cela était nécessaire, une possible intervention terrestre. Une démonstration de solidarité bienvenue, alors que certains observateurs notent des différences de points de vue entre les deux alliés depuis la récente accession au trône saoudien de Salmane ben Abdel Aziz, que la rumeur présente comme moins acquis à la cause du président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, que le défunt roi Abdallah. «L'Egypte veut probablement prouver son utilité aux Saoudiens qui ont besoin de soutiens sur le front yéménite, analyse Michele Dunne, ancienne diplomate américaine et experte au centre Carnegie. Le Caire apporte une contribution militaire réelle, mais surtout symbolique.»
«L'Egypte a déjà par le passé envoyé des hommes au Yémen», poursuit cette spécialiste de l'Egypte. Gamal Abdel Nasser, l'emblématique président égyptien, s'était lui aussi engagé au Yémen dans les années 60, cette fois contre l'Arabie Saoudite et les Occidentaux. Plus de cinquante ans plus tard, avec cette nouvelle guerre, al-Sissi conforte un peu plus ses partisans qui voient en lui le nouveau Nasser. L'intervention au Yémen s'inscrit dans le contexte de la «guerre contre le terrorisme» dans le monde arabe.
Infiltration. Cela faisait déjà plusieurs semaines que Le Caire appelait à la formation d'une coalition militaire au lendemain de la décapitation d'une vingtaine de ses ressortissants en Libye par l'organisation jihadiste Etat islamique. Si l'armée égyptienne avait dans un premier temps riposté seule, tous les responsables politiques appelaient à mettre sur pied une force arabe capable d'intervenir en Libye. Car plus que le Yémen, c'est le chaos libyen qui menace la sécurité de l'Egypte. Le pays craint l'infiltration de jihadistes et d'armes via sa frontière occidentale.