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Libération

Riyad bloque les Houthis sans regagner du terrain

Le monde arabe en ébullitiondossier
Yémen . L’offensive aérienne de la coalition menée par l’Arabie Saoudite est d’abord un succès diplomatique pour le roi Salmane.
Des combattants Houthis près du palais présidentiel, à Sanaa, le 25 mars. (Photo Khaled Abdullah.Reuters)
publié le 27 mars 2015 à 21h26

Après la Syrie et l’Irak, le Yémen vient à son tour d’entrer dans la spirale des conflits régionaux avec la poursuite, pour la deuxième nuit consécutive, des raids de l’aviation saoudienne contre la milice chiite des Houthis et ses alliés dans différentes régions du Yémen, dont la capitale, Sanaa. De son côté, Téhéran a continué de dénoncer avec la plus grande vigueur les attaques de Riyad et de la coalition arabe.

Cette dernière se garde pour le moment de toute intervention au sol pour reprendre les territoires perdus par le président yéménite, Abd Rabbo Mansour Hadi, dont les troupes avaient été incapables de repousser l’offensive des rebelles chiites. Vendredi, un porte-parole saoudien de la coalition, qui réunit une dizaine de pays arabes, a déclaré que l’opération «Tempête décisive» n’avait pas le projet d’intervention terrestre dans l’immédiat. Les risques d’une véritable escalade apparaissent donc mesurés et le bras de fer entre Saoudiens et Iraniens ne devrait pas dégénérer. Mais, sans intervention au sol, on voit mal comment les forces du président Abd Rabbo Mansour Hadi, qui bénéficie de la reconnaissance internationale et du soutien de Washington, pourraient arriver à reconquérir le Yémen et Sanaa.

Positions fixes. Les raids aériens auront cependant permis d'empêcher la chute d'Aden, le grand port du Sud, et de sauver le président yéménite d'une humiliante défaite. Les bombardements de la coalition, qui visent essentiellement des positions fixes - bases et aérodromes - risquent donc de figer le front. Dès lors, dans l'imbroglio yéménite, de nouvelles alliances pourraient voir le jour, pas forcément en faveur des Houthis. Riyad, qui est à la manœuvre au Yémen depuis des décennies, dispose de tout l'argent nécessaire pour faire basculer des tribus importantes dans le camp adverse.

Du côté iranien, on ignore si les Gardiens de la révolution, qui interviennent déjà en Irak aux côtés du gouvernement chiite contre l’Etat islamique, et en Syrie avec les forces du président Bachar al-Assad contre la rébellion sunnite, viendront aider massivement les Houthis. Un certain nombre de conseillers iraniens et du Hezbollah libanais les encadrent déjà, mais leur nombre ne doit pas dépasser quelques dizaines.

Pour le moment, Téhéran ayant à cœur de mener à bien les négociations sur le nucléaire en cours à Lausanne, on voit mal les dirigeants iraniens s’engager dans une aventure yéménite, et donc une guerre ouverte avec Riyad, qui risquerait d’avoir des conséquences négatives sur un éventuel accord nucléaire. Le choix des Saoudiens d’intervenir quelques jours avant la fin de ces négociations apparaît dès lors plutôt avisé.

Mais en affaiblissant les Houthis, les bombardements de la coalition risquent de renforcer ses ennemis : Al-Qaeda dans la péninsule Arabique (Aqpa) et l’Etat islamique. En cours d’implantation, l’EI vient d’ailleurs de revendiquer sa première opération d’envergure au Yémen : une série d’attaques suicide à Sanaa. Un bilan officiel fait état de 142 morts et 351 blessés.

Secret. Sur le plan diplomatique, Riyad a montré par cette opération militaire que la page du roi Abdallah était définitivement tournée. Avec Salmane, c'est un monarque à poigne qui prend les rênes du royaume. En montant dans le plus grand secret une coalition, le nouveau roi a réussi aussi une belle opération. L'Arabie Saoudite apparaît toujours comme le leadership du monde sunnite. Vendredi, le Maroc a rejoint à son tour la coalition, ce qui la renforce d'autant.

Le même jour, les mosquées du royaume à l'unisson ont insisté dans leurs prêches sur la nécessité religieuse d'aller combattre les Houthis et leurs alliés iraniens. A Téhéran, l'ayatollah Kazem Sadeghi a dénoncé, à l'inverse, «l'agression» saoudienne. Le conflit Iran-Arabie Saoudite et la guerre chiite-sunnite ont de beaux jours devant eux.