Des centaines d’employés étrangers ont été évacués samedi par voie aérienne de la capitale yéménite Sanaa en proie à l’insécurité, au troisième jour d’une campagne aérienne arabe menée par l’Arabie saoudite contre les rebelles chiites Houthis liés à l’Iran.
Au sommet des chefs d'Etat arabes réunis en Egypte, le roi saoudien Salmane a affirmé que l'opération aérienne impliquant neuf pays arabes se poursuivrait jusqu'au «rétablissement de la sécurité» au Yémen, plongé dans un chaos total. Intervenant après lui, le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi a lui espéré la poursuite de la campagne arabe jusqu'à la «reddition» des Houthis. Les deux dirigeants ont ensuite quitté le sommet pour Ryad et Abd Rabbo Mansour Hadi ne rentrera pas «pour l'instant» à Aden, a dit son chef de la diplomatie Riyad Yassine.
Dans cette deuxième ville du Yémen, des combats ont fait rage entre des miliciens Houthis et des comités de défense de quartiers. Neuf corps carbonisés ont été retirés samedi d’un dépôt d’armes à Aden,portant à plus de 70 le nombre de morts en trois jours dans cette ville du sud du Yémen. En outre, de puissantes explosions dans un dépôt de l’armée pris d’assaut par des pilleurs, y ont été entendues, ont indiqué des témoins en parlant de victimes.
Des dipomates évacués
Alors que la situation s'aggrave de jour en jour dans ce pays pauvre de la péninsule arabique, «plus de 200 employés de l'ONU, d'ambassades et de sociétés étrangères ont quitté samedi après-midi l'aéroport de Sanaa», a déclaré une source humanitaire, sans préciser leur nationalité ou leur destination. D'autres évacuations ont eu lieu précédemment. Des dizaines de diplomates, dont des Saoudiens, sont arrivés samedi en Arabie saoudite après leur évacuation d'Aden par la marine saoudienne avant le début de la campagne aérienne.
Il ne reste plus au Yémen que «du personnel nécessaire aux missions humanitaires d'urgence», selon une autre source. L'envoyé spécial de l'ONU au Yémen, Jamal Benomar, devait lui aussi quitter Sanaa pour le sommet arabe, selon son entourage.
Le royaume sunnite saoudien, qui a une longue frontière avec le Yémen, commande la campagne arabe lancée jeudi et qui vise à stopper l’offensive des Houthis et les empêcher de prendre le pouvoir.
«Une nuit intense de bombardements»
Depuis septembre 2014, les Houthis se sont emparés de vastes régions, dont Sanaa, et avaient progressé ces derniers jours vers Aden, où était retranché Abd Rabbo Mansour Hadi depuis février.
Pour la troisième nuit consécutive, les avions de la coalition ont pilonné les positions rebelles dans et autour de Sanaa, les raids les plus intenses depuis le début des frappes, selon des témoins. «C'était une nuit intense de bombardements» et les «vitres ont tremblé», a indiqué une étrangère travaillant pour une organisation humanitaire. «Des civils veulent partir, mais il n'y a pas d'avions pour quitter le Yémen».
D’après des résidents, les frappes ont visé des sites militaires, notamment des positions de la défense anti-aérienne et des dépôts de munitions, autour de la capitale. L’agence officielle des Emirats arabes unis, qui font partie de la coalition, a annoncé de nouveaux raids émiratis sur des positions militaires des Houthis à Sanaa et dans la province voisine de Marib.
En annonçant l'opération «Tempête décisive» au Yémen, l'Arabie saoudite a affirmé vouloir contrer «l'agression» de l'Iran qu'il accuse de soutenir les Houthis et de chercher à «dominer» la région. L'Iran n'a jamais confirmé aider les Houthis, mais a dénoncé la campagne aérienne impliquant neuf pays arabes.
Menace des missiles Scud
Des responsables diplomatiques du Golfe ont affirmé que la campagne militaire au Yémen pourrait durer jusqu'à six mois, ajoutant s'attendre à des représailles iraniennes sous forme d'actes de déstabilisation. Selon l'un de ces responsables qui ont requis l'anonymat, citant des estimations, «5 000 Iraniens, (membres du) Hezbollah (libanais) et miliciens irakiens (pro-Téhéran) sont sur le terrain au Yémen».
Ces responsables ont expliqué que Ryad et ses alliés avaient décidé de réagir contre les Houthis quand des images satellite «fin janvier» ont montré, selon eux, des mouvements de missiles Scud vers le nord et la frontière saoudienne. Les Etats-Unis ont annoncé un soutien en logistique et en renseignement à l’opération. Avec l’aide de l’ex-président Ali Abdallah Saleh qui dispose de puissants relais dans l’armée, les Houthis avaient déferlé de leur fief dans le nord vers le centre et l’ouest du Yémen, avant de progresser vers le sud.
La campagne au Yémen devrait fournir un «test» pour la création d'une force arabe permanente à l'étude au sommet arabe, défendue par le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi qui a parlé de «menaces sans précédent pour l'identité arabe».
Plus que le groupe jihadiste Etat islamique (EI) qui sévit dans plusieurs pays arabes, c’est la crainte de voir l’Iran étendre son influence qui pourrait pousser les pays arabes à entériner la création d’une force militaire conjointe.