Une vingtaine de journalistes sur le dossier de l'Airbus A320 et de nouveaux détails égrenés chaque jour… Le quotidien populaire Bild (3 millions d'exemplaires vendus et 12 millions de lecteurs chaque jour) est connu pour ses moyens financiers considérables et ses méthodes parfois douteuses. Depuis le crash du vol 4U9525, la presse allemande se livre à une course à l'exclusivité sans précédent, donnant parfois l'impression de devancer les enquêteurs. Et relançant un vieux débat sur les méthodes de la presse populaire face aux catastrophes.
Les élèves du lycée endeuillé de Haltern am See (ouest), qui a perdu 16 adolescents dans le drame, se sont ainsi vus obligés de poser des panneaux sur les murs de l'établissement pour demander à la presse de les «laisser en paix». Une équipe de télévision étrangère avait pénétré dans l'école, proposant aux élèves de l'argent en échange de photos de la cérémonie de deuil organisée par la direction. «Nous nous sentons comme dans un zoo alors que nous voulons simplement faire notre deuil dans le respect», se plaignent les lycéens sur Facebook.
La catastrophe fascine en Allemagne. Les chaînes d'information en continu N24 et N-tv (0,9% de parts de marché en temps normal) ont triplé leur audience les jours suivant le drame, à 3%. Et les chaînes publiques ne sont pas en reste : 7 millions de téléspectateurs ont suivi mardi soir l'émission spéciale Brennpunkt organisée par la chaîne Das Erste à un moment où on ne pouvait encore que spéculer sur les causes du drame. L'émission était suivie d'un débat de plus d'une heure. Au même moment, Bild Zeitung, qui avait découvert que deux bébés se trouvaient à bord de l'appareil, se demandait en une «si les bébés pleuraient» dans les minutes précédant la chute de l'avion. «Ce commentaire de Bild était tout simplement irrespectueux», estime le Huffington Post qui parle de «pornographie de la catastrophe».
Le Conseil de la presse allemande a reçu plus de trente plaintes en deux jours, dénonçant le non-respect de l'article 8 du code de déontologie de la presse sur la protection de la vie privée, qui interdit notamment de diffuser le nom de famille et toute photo non floutée sans l'accord de la personne concernée. Le magazine Der Spiegel, qui s'était fait épingler pour avoir publié en une des photos de victimes de la catastrophe de la Malaysia Airlines, en juillet, a fait preuve, cette fois, de plus de retenue. Avant d'écrire à son tour le nom d'Andreas Lubitz, «puisque le procureur de Marseille» l'avait révélé.