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Libération

La peste Al-Assad plutôt que le choléra jihadiste ?

Washington fait de la lutte contre les groupes islamistes sa priorité.
publié le 29 mars 2015 à 22h26

«Tout dialogue est une chose positive.» Dans une interview exclusive diffusée dimanche par la chaîne américaine CBS, le président syrien s'est dit ouvert à d'éventuelles discussions avec les Etats-Unis. A condition, ajoute Bachar al-Assad, que ce dialogue «n'entame pas la souveraineté syrienne» et soit «basé sur le respect mutuel». La réponse de Washington n'a pas traîné. Réagissant aux premiers extraits de l'entretien, diffusés dès jeudi, l'administration Obama a rappelé sa position officielle : pas question de négocier avec le président syrien.

Principe. «Al-Assad et ses proches associés ont du sang sur les mains. Ils ne peuvent pas faire partie d'une solution politique», a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine. Alors que la guerre en Syrie est entrée dans sa cinquième année, le département d'Etat a ironisé sur le «respect mutuel» souhaité par Al-Assad. «Il a le pouvoir de mettre fin à la torture et aux exécutions systématiques, à la violence sexuelle, aux bombes barils, aux frappes aériennes et aux attaques au chlore», a-t-il martelé, mettant en doute la volonté de «dialogue».

Défendue depuis près de quatre ans, réaffirmée il y a quelques jours par Susan Rice, conseillère à la Sécurité nationale de Barack Obama, la position de principe de Washington - «Al-Assad a perdu toute légitimité, il doit partir» - semble se craqueler. Les Etats-Unis devront «au final négocier», y compris avec le dictateur syrien, a reconnu mi-mars le secrétaire d'Etat, John Kerry. Une déclaration surprenante qui a déplu à l'opposition syrienne et à certains partenaires de Washington, à commencer par la France, la plus ferme à exiger le départ de Bachar al-Assad. En pratique, pourtant, certains estiment que John Kerry n'a fait que dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.

Impératif. Face à la menace de l'Etat islamique (EI) et d'Al-Qaeda en Syrie, Bachar al-Assad va-t-il s'imposer comme un moindre mal ? Seule certitude : la lutte contre les groupes jihadistes est aujourd'hui la priorité de Washington.

Outre les frappes aériennes, les Etats-Unis devraient commencer prochainement à entraîner l’opposition syrienne modérée en Turquie : 5 000 combattants devraient être formés chaque année pendant trois ans. Officiellement, ils combattront à la fois l’Etat islamique et les forces du régime, mais l’accent est clairement mis sur la lutte antijihadiste.

Après quatre années de conflit sanglant, «tout le monde convient qu'il n'y a pas de solution militaire en Syrie», admettait d'ailleurs récemment John Kerry. D'où l'impératif de parvenir à un processus de négociations qui devra, d'une manière ou d'une autre, inclure des éléments du régime syrien.

Enfin, un autre facteur a pu contribuer au léger changement de ton américain. D'après des informations du Figaro, partiellement confirmées par le New York Times, les Etats-Unis et le gouvernement syrien sont engagés dans un dialogue direct autour du sort d'Austin Tice, un journaliste américain disparu en Syrie en 2012.