Les 5+1 (les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ainsi que l’Allemagne) avaient théoriquement jusqu’à mardi minuit pour arracher aux mollahs iraniens un renoncement clair à la bombe atomique, en échange d’une levée des sanctions internationales. Mais après douze ans d’un bras de fer diplomatique sans équivalent et un accord intérimaire, signé à Genève, le 24 novembre 2013 et prolongé de quatre mois, venir à bout des dernières questions en suspens dans cette histoire sans fin semble toujours difficile. Les deux parties doivent faire des compromis inédits, alors que ni la République islamique ni la communauté internationale ne souhaitent un échec du processus, qui mènerait à la catastrophe : une sorte de «Corée du Nord chiite» en roue libre, au cœur du Moyen-Orient. Outre les obstacles géopolitiques (offensive israélienne, opposition des pays arabes, surenchère des durs aux Etats-Unis et en Iran), les discussions à Lausanne, en Suisse se sont cristallisées sur cinq points.
Quelle durée pour cet accord ?
C’est «la» grande question. Au nom d’une France revendiquant son rôle précurseur de fermeté, Laurent Fabius assume le costume forcément caricatural du «mauvais flic», marqué par des décennies de suspicion. Il rappelle les mensonges passés de la République islamique sur son programme nucléaire clandestin et exigeait encore récemment un contrôle méticuleux des installations scientifiques iraniennes, pendant une durée considérée comme «humiliante» par l’Iran : un quart de siècle. Washington se contenterait très bien d’un accord sur dix ans. Et les Russes apparemment d’encore moins.
Quel calendrier pour la levée des sanctions ?
Téhéran exige toujours leur suspension immédiate, car elles étouffent son économie depuis neuf ans. Mais les Occidentaux se méfient et veulent pouvoir les rétablir rapidement, si jamais l'Iran violait ses engagements. Ils plaident donc pour une levée graduelle, seule garantie contre une volte-face. «On ne peut malheureusement pas faire confiance à la parole donnée», rappelle un diplomate européen. L'ONU a imposé des mesures punitives, dont la levée nécessite un vote au Conseil de sécurité et le feu vert de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Tout cela prend du temps. Les sanctions européennes et américaines, unilatérales, pourraient, elles, être allégées plus facilement.
Comment procéder aux vérifications ?
La communauté internationale veut ramener le nombre de centrifugeuses iraniennes à 6 000, contre 19 000 aujourd'hui. Même s'il ne dit pas tout, ce chiffre, accompagné d'un encadrement des sources de plutonium et d'autres mesures techniques complexes, empêcherait l'Iran d'avoir la bombe pendant au moins un an. Mais encore faut-il connaître toutes les installations clandestines. A Vienne, l'AIEA milite pour que Téhéran ratifie et mette en application le protocole additionnel du Traité de non-prolifération (TNP). Car ce texte permettrait enfin à ses inspecteurs - bien impuissants - d'aller fouiller là où il le faudrait vraiment. Ce serait même la «pierre angulaire» afin de repartir sur des bases saines, dit un expert en poste à l'AIEA.
Comment faire plier l’Iran sans l’humilier ?
Le Guide suprême a toujours clamé que chercher à avoir la bombe était contraire aux préceptes de l’islam. En cas d’accord, l’AIEA est donc fortement incitée à revenir bredouille de ses investigations futures dans les poubelles nucléaires d’Ali Khamenei. Or tout cela se négocie, car l’Agence a peur d’être la victime collatérale d’une entente historique entre les grandes puissances et un «Etat tricheur». Depuis 2011, elle soupçonne ouvertement l’Iran d’avoir eu un programme nucléaire militaire, et voir sa thèse invalidée réduirait son autorité à peau de chagrin. Derrière les formules creuses et les sourires crispés, les relations entre le régime iranien et le «gendarme viennois du nucléaire» n’ont pas évolué : elles sont toujours aussi exécrables.
Comment limiter les risques de prolifération ?
En cas d’accord, des sources à l’AIEA craignent aussi que les mafias présentes en Iran, une frange des pasdaran ou encore des scientifiques, fragilisés par le retournement de la situation, n’organisent un marché noir des technologies nucléaires. L’Iran est rongé par des castes concurrentes et leur capacité de nuisance reste difficile à cerner. Les réformateurs au pouvoir promettent de tout faire pour limiter les dégâts, mais dans cette théocratie autoritaire, leur marge de manœuvre reste famélique.