Les Occidentaux n’ont pas fait plier l’Iran avant la date butoir du 31 mars, même si les négociations continuent. Pour sortir de ce guêpier, il n’y a plus beaucoup d’issues possibles et trois scénarios se dessinent.
Hypothèse 1 : prendre acte de l’échec
Le monde devrait apprendre à vivre avec cette réalité : un régime théologique et autoritaire veut à tout prix avoir la bombe atomique, au cœur du Moyen-Orient. Il se rit de l’ordre international. Si pas même les Iraniens ne la souhaitent, une rupture totale des négociations n’est plus à exclure. Car depuis le 24 novembre 2013, date de la signature d’un accord transitoire à Genève, les discussions ont déjà été prolongées deux fois. Or plus le temps passe, plus l’administration américaine et les réformateurs au pouvoir en Iran vont manquer d’arguments pour justifier d’une poursuite du processus, alors que l’accord semble introuvable dans les couloirs ouatés de l’hôtel Beau-Rivage à Lausanne, où les diplomates courent avec leurs dossiers sous le bras jour et nuit. On peut se cacher derrière la «complexité du schmilblick» sur un plan technique, mais l’enjeu des tours de table est, lui, purement politique et d’une clarté cristalline : l’Iran doit simplement répondre si, oui ou non, il renonce à ses ambitions nucléaires militaires. Or, la promesse magique n’arrive jamais. Mais si la diplomatie échoue dans sa dernière tentative, le Congrès américain votera de nouvelles sanctions contre le régime chiite, ce qui donnerait des arguments à ce dernier pour rebrancher ses centrifugeuses. Une spirale infernale, la pire des catastrophes dans un contexte déjà terrifiant au Moyen-Orient, avec un Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, fraîchement légitimé et remonté à bloc, et des pays arabes qui s’attaquent déjà ouvertement aux intérêts iraniens en Syrie et au Yémen. Les bruits de bottes se feraient alors plus pressants que jamais.
Hypothèse 2 : un accord quand même dans les prochains jours
Beaucoup plus réjouissante, cette option spectaculaire prouverait la vertu salutaire des sanctions contre les régimes qui abusent de leur pouvoir de nuisance. Il faudrait alors passer au crible les multiples conséquences géopolitiques d’un abandon vérifiable de l’arme suprême par le régime des mollahs. L’attention des observateurs se tournerait là encore vers l’analyse qui est faite de l’accord par les ennemis de l’Iran au Moyen-Orient. En tout cas, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) reviendrait de nouveau au centre du jeu, car c’est à elle que l’on demanderait de vérifier que la bonne parole des Iraniens se traduise enfin en actes.
A Téhéran, les réformateurs, grâce à une levée des sanctions, pourraient rassurer la population sur des changements rapides à venir dans leur vie de tous les jours. Au niveau politique, le dossier reviendrait devant le Conseil de sécurité des Nations unies à New York. Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, et le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, pourraient enfin s’occuper un peu d’autre chose.
Hypothèse 3 : un accord en trompe-l’œil
Ce scénario est celui de la poursuite du statu quo. Les Occidentaux pourraient bien être tentés de signer un nouveau compromis. En effet, mieux vaut pas encore d’accord, qu’un mauvais accord. Ou pas d’accord du tout. Car la situation actuelle, avec un programme nucléaire gelé et sous contrôle, reste la plus sûre qu’il soit, même si les inspecteurs de l’AIEA n’ont pas accès à tous les sites. Tout le monde prendrait acte de progrès dans la négociation, les fuites dans la presse feraient état d’un geste significatif effectué par l’Iran sur tel ou tel aspect du dossier. On desserrerait un petit peu plus l’étau des sanctions et on donnerait un nouveau rendez-vous, pour un énième tour de table, dans un grand hôtel. Laurent Fabius reviendrait à Paris en affirmant qu’il a poussé ses alliés et partenaires à obtenir le meilleur accord qui soit. Barack Obama renoncerait à arracher à la République islamique ce qu’il a obtenu des Cubains : une sorte de paix des braves. Il souhaitera alors laisser flotter la situation, faire semblant de négocier jusqu’à son départ de la Maison Blanche, afin de pouvoir dire que sous son mandat, l’Iran n’a pas obtenu la bombe atomique.