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Libération
Récit

Nucléaire iranien : les services israéliens préparent leur riposte

La dénonciation, par l’Etat hébreu, de l’accord de Lausanne nuit aux échanges de renseignements entre Israéliens et Américains.
Barack Obama et Benyamin Nétanyahou à la Maison Blanche, le 1er septembre 2010. (Photo Jason Reed. Reuters)
publié le 6 avril 2015 à 20h16

Pour la majeure partie de l'opinion publique israélienne, comme pour le Premier ministre Benyamin Nétanyahou, l'accord-cadre de Lausanne sur le nucléaire iranien constitue un «danger existentiel». Barack Obama multiplie les déclarations visant à les rassurer mais, aussi louables soient-ils, ses efforts pédagogiques ne semblent pas convaincre dans l'Etat hébreu où la rue s'en remet d'abord à Tsahal (l'armée) pour «parer à toute éventualité». L'état-major communique d'ailleurs beaucoup à propos de son nouveau sous-marin, l'INS Tanin, susceptible de tirer des vecteurs à tête nucléaire, ainsi que sur son nouveau système antimissile «Bâton magique» qui devrait être opérationnel d'ici quelques semaines. «A l'instar du ministre du Renseignements et des Affaires stratégiques, Youval Steinitz, les dirigeants israéliens sont persuadés que l'Iran ne respectera pas l'accord conclu avec la communauté internationale. Parce que le régime de Téhéran a pris la décision de devenir une puissance nucléaire afin de garantir sa pérennité et sa supériorité sur les régimes sunnites de la région», estime le chroniqueur Amnon Abramowicz. Qui poursuit : «Bien sûr, Steinitz affirme que toutes les options - y compris militaire - sont sur la table pour empêcher cela, mais c'est du bluff. En réalité, Israël n'attaquera pas l'Iran parce qu'il n'a pas les moyens de mener seul une telle guerre. En revanche, rien n'empêche Nétanyahou d'approuver des opérations clandestines et c'est ce qu'il fait. Désormais, c'est sur ce terrain-là que tout va se jouer.»

Bidon. Au sein des renseignements militaires («Aman», selon l'acronyme hébreu), ce sont essentiellement les Unités 8 200 (en charge des interceptions électroniques), 9 900 (surveillance par satellite) et 504 (manipulation de «sources» sur le terrain) qui sont chargées d'accentuer la surveillance israélienne de l'Iran. Quant au Mossad, il mènerait certaines de ses actions à partir de pays du Caucase et de l'Irak, notamment par le biais de sociétés commerciales bidon. Vers 2009-2010, le tandem constitué par Nétanyahou et son ministre de la Défense de l'époque, Ehud Barak, avait sérieusement envisagé de déclencher des frappes sur les installations nucléaires iraniennes mais le projet ne tenait pas la route : les Etats-Unis s'y opposaient et une partie du milieu sécuritaire israélien refusait une telle aventure. En marge de cette agitation, le Mossad - alors dirigé par Meïr Dagan - et les renseignements militaires étaient déjà plongés depuis plusieurs années dans une série d'opérations de surveillance et de pénétration des installations iraniennes. C'est dans ce cadre que plusieurs chercheurs et scientifiques iraniens ont été assassinés et que l'on a vu apparaître le virus informatique Stuxnet (conçu par les Américains pour attaquer les centrifugeuses iraniennes). Souvent concurrents, les deux services avaient carte blanche. Ils y allaient d'autant plus fort que le Mossad, transformé de fond en comble lorsque Meïr Dagan est entré en fonction en 2002, était renforcé par un budget en forte augmentation et un recrutement massif. Quant à l'Aman, il bénéficiait de nouveaux moyens techniques plus sophistiqués. Enfin, cerise sur le gâteau, les deux services bénéficiaient d'échanges intensifs avec leurs homologues occidentaux : entre autres, américains, britanniques, australiens, allemands et français.

Alliés. Cinq ans plus tard, Tamir Pardo, directeur général du Mossad depuis 2011, est sur la même ligne. Idem avec le général Herzi Halevy, nouveau patron de l'Aman. La différence, c'est que l'Etat hébreu est désormais isolé. Car sa dénonciation tonitruante de l'accord sur le nucléaire iranien a des conséquences directes sur le flux de renseignements que lui fournissent - ou plutôt que ne lui fournissent plus - ses alliés traditionnels, à commencer par Washington. La collaboration entre les services américains et israéliens est quasiment au point mort sur ce dossier et les échanges concernant l'Iran sont réduits au strict minimum. La qualité des notes écrites ou verbales transmises à Nétanyahou de manière pluriquotidienne en souffre donc considérablement. Les chroniqueurs israéliens aimeraient pouvoir le dire, mais la censure militaire veille au grain. Pour les dirigeants israéliens, le dossier iranien reste le plus sensible du moment.