Elle est connue dans toute l'Amérique, elle est expérimentée, elle a de quoi remplir les caisses de sa campagne, elle est une femme et n'a aucun rival sérieux dans son parti. Pour Hillary Rodham Clinton, la piste de décollage est dégagée. Mais l'épouse de Bill Clinton devra éviter de nombreux écueils. Son passé peut devenir un boulet. «Hillary est dans les médias depuis plus de vingt-cinq ans. Et plus les gens ont d'informations sur un candidat, plus il est difficile de changer leur opinion sur cette personne», note Kenneth Sherrill, professeur à la City University of New York. «Elle n'incarne pas la fraîcheur, exactement comme Jeb Bush. Ces deux familles sont sur la scène politique depuis des décennies. Dans le cas des Clinton, le problème, c'est que les scandales viennent immédiatement à l'esprit de tous», poursuit Larry Sabato, directeur du Center for Politics à l'université de Virginie. Dont l'affaire Monica Lewinsky et l'impeachement.
Age d'or. L'attaque, le 11 septembre 2012, contre le consulat américain de Benghazi, en Libye, alors que Hillary Clinton était secrétaire d'Etat, revient aussi régulièrement sur la table. Beaucoup de républicains sont persuadés qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du poste diplomatique. De plus, si les années Clinton sont remémorées comme un âge d'or pour les Etats-Unis, son mari n'a pas toujours été d'une grande aide. En 2008, pendant la campagne pour la primaire, l'ancien président est apparu comme «frustré, imprévisible, opérant de son propre chef, appelant les conseillers de sa femme pour critiquer la stratégie, et déplaçant l'intérêt des médias vers sa personne avec des remarques déplacées», rappelait récemment le New York Times.
Si Bill reste populaire, ce n'est pas toujours le cas de Hillary. Empruntée, peu naturelle, sur la défensive, langue de bois : la presse américaine, avec qui elle entretient des relations houleuses, n'est pas tendre. «Elle est introvertie par tempérament, sans doute traumatisée par les attaques contre elle lorsqu'elle était première dame. Par conséquent, elle est terrorisée par la spontanéité. […] Son opacité et sa rigidité donnent une impression d'arrogance», écrit le journaliste Jason Zengerle dans le New York Magazine. Le mois dernier, elle a été épinglée pour avoir utilisé, quand elle était secrétaire d'Etat, sa boîte mail personnelle pour converser avec des collaborateurs - une pratique interdite, posant des problèmes de sécurité et d'archivage. «Cette affaire a renforcé l'idée que Hillary était une personne qui cache les choses, peu transparente, qui ne respecte pas les règles», relève Robert Shapiro, professeur de sciences politiques à Columbia. Dans The Residence : Inside the Private World of the White House, un livre réalisé à partir d'interviews d'ex-membres du personnel de la Maison Blanche, les Clinton n'apparaissent pas non plus sous un bon jour. Une des anecdotes a été abondement reprise dans la presse : irritée par son mari, Hillary l'aurait blessé en lui jetant des livres à la figure, et même une lampe. En outre, elle essuie régulièrement des critiques à propos de ses conférences, facturées entre 200 000 et 300 000 dollars. Pour se justifier, elle a expliqué l'année dernière à une journaliste d'ABC qu'elle et son mari ont été, après leur passage à la présidence, «complètement fauchés». De quoi faire hurler de nombreux Américains faisant face à de vrais problèmes financiers. Elle s'est ensuite excusée, mais cet épisode a fait remonter l'une des critiques récurrentes envers Clinton : le fait qu'elle soit coupée des réalités des Américains ordinaires. Les démocrates les plus à gauche estiment que son positionnement pourrait la priver du soutien d'une partie de sa base.
Santé. Modérée, Hillary Clinton n'a pas la réputation d'être très critique vis-à-vis du système capitaliste et, en matière de politique étrangère, elle a une approche plus musclée qu'Obama : elle avait voté pour l'intervention en Irak et défend l'idée d'une action plus forte en Syrie. L'une de ses faiblesses est son âge. Née en 1947, «HRC» fêtera ses 69 ans juste avant l'élection. De toute l'histoire américaine, seul Reagan était plus vieux, à quelques mois près. Fin 2012, quand elle était secrétaire d'Etat, elle a été hospitalisée pour un caillot de sang près du cerveau. Robert Shapiro prédit : «Pendant la campagne, il est sûr que les républicains vont la chercher là-dessus, demandant à ses médecins de se prononcer.»