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Libération
Décryptage

Serge Atlaoui désormais sans recours devant la peine capitale

Paris demande grâce pour le Français condamné à mort pour trafic de stupéfiants. Mais le président Jokowi semble inflexible.
Des policiers indonésiens escortent le Français Serge Atlaoui, le 6 novembre 2006, avant sa condamnation par le tribunal de Tangerang. (Beawiharta Beawiharta. Reuters)
publié le 22 avril 2015 à 19h26

Branle-bas de combat au sommet de l'Etat français : de Manuel Valls à François Hollande, en passant par Laurent Fabius, tout le monde est sur le pont pour appeler l'Indonésie à la «clémence». C'est que l'heure est grave : Serge Atlaoui pourrait être le premier citoyen français exécuté depuis 1977. Ce n'est qu'une «question de temps», avait dit le président indonésien, Joko Widodo, surnommé «Jokowi», à propos de sa promesse de passer par les armes dix condamnés à mort pour trafic de stupéfiants (dont neuf étrangers, parmi lesquels une femme). Depuis mardi, la date se rapproche : la Cour suprême a rejeté les derniers recours, ceux de Serge Atlaoui et du Ghanéen Martin Anderson. Il n'y a donc plus d'obstacle légal. Selon le ministre de la Justice, les exécutions auront lieu après la fin de la conférence afro-asiatique vendredi, mais avant le début du ramadan, mi-juin.

Ces exécutions peuvent-elles être évitées ?

Le Premier ministre français, Manuel Valls, a tweeté que «défendre Serge Atlaoui, c'est rappeler la ferme opposition de la France à la peine de mort». Et François Hollande a lancé «un appel» à Jakarta pour renoncer à une exécution qui «serait dommageable pour l'Indonésie, dommageable pour les relations que nous voulons avoir avec elle».

Au-delà des mots, le pouvoir français reste démuni : Jokowi détestant qu’on lui mette la pression, toutes les interventions pourraient avoir un effet contraire. Surtout, le chef de l’Etat indonésien est convaincu que les exécutions (en particulier d’étrangers) sont efficaces contre le trafic de stups (il se trompe) et positives pour son image de fermeté (là, il a peut-être raison). Six personnes ont été exécuté (dont cinq étrangers) en janvier, et Jokowi veut sa deuxième «fournée», pariant qu’aucun pays n’imposera en représailles un boycott à la première économie d’Asie du Sud-Est.

Qu’a fait Serge Atlaoui ?

«Il n'est évidemment pas un trafiquant, explique son avocat, Me Richard Sédillot. C'est un petit ouvrier qui a été manipulé et auquel on a proposé un travail bien payé parce que loin de chez lui, sans jamais lui dire que les machines qu'il allait souder auraient vocation un jour à fabriquer des produits stupéfiants», en l'occurrence de l'ecstasy.

Atlaoui, 51 ans, père de quatre enfants, a été arrêté en 2005 et condamné à mort en 2007. «Le principal condamné, celui qui a tout organisé, a exposé le même recours, s'étonne Me Sédillot, et il est examiné depuis dix-huit mois», alors que celui du Français a été rejeté. Le ministre français des Affaires étrangères, qui a convoqué mercredi pour la troisième fois l'ambassadeur d'Indonésie, avait relevé mardi : «Tout le monde reconnaît qu'il n'a joué qu'un rôle mineur, à supposer qu'il ait joué un rôle, et ceux qui dirigeaient cette affaire de drogue, qui étaient des Indonésiens, n'ont pas été condamnés à la même peine.»

Quel moyen de pression sur les Indonésiens ?

Un seul : 227 Indonésiens sont condamnés à mort dans le monde, dont 168 en Malaisie, et l’Indonésie réclame la clémence. Une contradiction qui n’étouffe pas Jokowi.