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Libération

La promesse envolée de Barack Obama

Le génocide des Arméniens, cent ans aprèsdossier
Comme ses prédécesseurs, une fois élu, le président américain n’a jamais utilisé le terme «génocide».
President Barack Obama speaks to members of Congress and other guests in the Rose Garden of the White House in Washington, Tuesday, April 21, 2015, to thank those who supported a compromise that permanently changed how Medicare pays doctors. Also on Tuesday administration officials said that Obama will once again stop short of calling the 1915 massacre of Armenians a genocide, prompting anger and disappointment from those who have been pushing him to use the politically fraught term. Top administration offi
publié le 23 avril 2015 à 19h26
(mis à jour le 23 avril 2015 à 20h36)

La communauté arménienne des Etats-Unis y a cru jusqu'au bout, persuadée que les commémorations du centenaire du génocide pousseraient, enfin, la Maison Blanche à en reconnaître officiellement l'existence. Les pressions accrues qui ont entouré ce cap symbolique n'ont pourtant rien changé. Pour la septième année consécutive, Barack Obama a renoncé à utiliser le mot «génocide» pour qualifier le massacre des Arméniens en 1915. Privilégiant la realpolitik et sa relation avec la Turquie au détriment d'une de ses promesses de campagne. «La capitulation du président Obama face à la Turquie est une honte nationale, a tancé Ken Hachikian, le président du Comité national arménien d'Amérique. C'est une trahison de la vérité et une trahison de notre confiance.»

A ce jour, aucun président américain n’a jamais qualifié la tragédie de 1915 de génocide. En 1981, Ronald Reagan avait utilisé l’expression «génocide arménien» dans un communiqué, avant de faire machine arrière. Et lors de sa campagne électorale, George W. Bush avait aussi reconnu l’existence du génocide, mais sans jamais réutiliser le terme lors de ses deux mandats à la Maison Blanche.

Point d'ancrage. Au sein de la diaspora arménienne aux Etats-Unis - la deuxième plus importante au monde après celle de Russie -, l'élection de Barack Obama avait suscité beaucoup d'espoir. Et pour cause : au cours de sa campagne, ce dernier avait publié un communiqué sans équivoque. «Le génocide arménien n'est pas une allégation, une opinion personnelle ou un point de vue, mais un fait largement documenté et étayé par des preuves historiques accablantes. En tant que président, je reconnaîtrai le génocide arménien», promettait en 2008 le jeune sénateur de l'Illinois. Devenu président, Barack Obama s'est donc assis sur cette promesse, par crainte de mettre en péril les relations américaines avec la Turquie. Car si ces dernières années les différends entre Washington et Ankara ont été nombreux - dérive autoritaire du président Erdogan, appui financier de la Turquie au Hamas, désaccord sur la stratégie à adopter en Syrie -, l'allié turc n'en reste pas moins un point d'ancrage essentiel pour les Etats-Unis dans la région.

Priorités. En février, les deux pays ont signé un accord pour entraîner et équiper des rebelles syriens modérés en Turquie. Et même si leurs priorités divergent - chute du régime Al-Assad pour Ankara, lutte contre l'Etat islamique pour Washington -, un premier groupe de 200 combattants doit entamer sa formation le mois prochain. Par ailleurs, des discussions sont en cours pour autoriser l'armée américaine à utiliser la base militaire turque d'Incirlik pour des opérations offensives. Pour l'heure, seuls des avions et drones de surveillance sont autorisés à s'y poser.

Selon le site Politico, Barack Obama avait envisagé d'envoyer l'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Samantha Power, aux commémorations du centenaire, ce vendredi en Arménie. Ancienne journaliste et universitaire, spécialiste des droits de l'homme, Power a toujours fermement défendu la reconnaissance du génocide arménien. «Une relation stable et fructueuse avec la Turquie ne peut pas être construite sur un mensonge», écrivait-elle en 2007. Signe de la frilosité de Barack Obama sur ce dossier, Samantha Power n'est finalement pas du voyage à Erevan. C'est le secrétaire au Trésor, Jacob Lew, qui conduit la délégation américaine.