«Rien ne sera oublié» a déclaré le président arménien Serge Sarkissian ce vendredi matin après avoir déposé une gerbe de fleurs au Mémorial des victimes du génocide arménien, sur les hauteurs de la capitale Erevan. Après une minute de silence à la mémoire des victimes, Serge Sarkissian a «remercié» les dirigeants étrangers venus prendre part aux commémorations, dont le président français François Hollande et son homologue russe Vladimir Poutine. «Nous nous souvenons et nous exigeons» la reconnaissance du caractère génocidaire des massacres a ajouté le chef de l'Etat arménien.
«Nous n'oublierons jamais»
«Je m'incline devant la mémoire des victimes et je viens dire à mes amis arméniens que nous n'oublierons jamais les tragédies que votre peuple a traversées», a déclaré pour sa part le président François Hollande. «Il y a en Turquie des mots, et des mots importants, qui ont déjà été prononcés mais d'autres sont encore attendus pour que le partage du chagrin puisse devenir le partage d'un destin».
Le président français souhaite que la Turquie, qui n'évoque qu'une guerre civile en Anatolie, reconnaisse le génocide. Un million et demi d'Arméniens ont été massacrés entre 1915 et 1917, pendant les dernières années de l'Empire ottoman. Une vingtaine de pays, parmi lesquels la France et la Russie, ont reconnu qu'il s'agissait là d'un génocide. Une définition appuyée par de nombreux historiens. Mais le ministre turc chargé des Relations européennes, Vlokan Bozkir, veut tourner cette page de l'histoire : «Nous devons avoir un devoir de mémoire» pour cette tragédie mais elle ne doit pas altérer les relations entre les deux pays dans «les 1 000 ans à venir», a-t-il précisé, sans toutefois utiliser le terme génocide.
«Rien ne peut justifier des massacres de masse.» a de son côté lancé le président russe devant les dirigeants étrangers et responsables arméniens réunis dans la capitale arménienne.
A lire aussi : Génocide arménien : la quête de mémoire
Des cérémonies commémoratives sont aussi organisées ce vendredi par de nombreuses diasporas arméniennes à Los Angeles, Stockholm, Beyrouth, Paris ou encore Marseille où plusieurs milliers de personnes ont participé à diverses manifestations.
Ces célébrations interviennent au lendemain de la canonisation par l'Église arménienne des 1,5 million de morts dans ces massacres, pendant la plus importante canonisation en nombre jamais décidée par une Église chrétienne. «Par millions, notre peuple a été déraciné et massacré de manière préméditée, par le feu et l'épée, il a goûté aux fruits amers de la torture et du chagrin», a déclaré jeudi le chef de l'Église arménienne, le Catholicos Karékine II.
L'Allemagne, par la voix de son président Joachim Gauck, a reconnu jeudi soir pour la première fois le génocide arménien, soulignant sa «coresponsabilité» dans ce crime attribué à son allié ottoman pendant la Première guerre mondiale. Le Parlement autrichien a quant à lui observé mercredi une minute de silence pour marquer ce génocide, une première dans ce pays, allié à l'époque à l'Empire ottoman. Un geste qui a provoqué la fureur de la Turquie : celle-ci a dénoncé une «injure au peuple turc» et rappelé pour consultation son ambassadeur à Vienne.
Le président américain Barack Obama ne s'est de son côté risqué jeudi qu'à évoquer un «terrible carnage» dans un communiqué aux mots soigneusement choisis, évitant d'employer le mot «génocide». Ce vendredi, la Bulgarie, pays voisin de la Turquie, a reconnu «l'extermination massive des Arméniens» il y a 100 ans, tout en évitant également le terme de «génocide» et en distinguant bien l'Empire ottoman de la Turquie actuelle.
A lire aussi : La promesse envolée de Barack Obama
Ces derniers jours, le gouvernement turc avait déjà été très irrité par les déclarations du pape François, qui a prononcé pour la première fois le mot de «génocide» des Arméniens, et par le Parlement européen qui a demandé à la Turquie de le reconnaître.
La Turquie célèbre de son côté vendredi le 100e anniversaire du début de la bataille de Gallipoli, épisode meurtrier de la Première guerre mondiale, un jour avant le début historique des combats.