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Libération

Indonésie : le macabre décompte enclenché pour les condamnés à mort

publié le 24 avril 2015 à 19h36

Il s'appelle Tony Spontana, et c'est l'homme qui annonce les mauvaises nouvelles : «Le moment de l'exécution approche», a claironné ce porte-parole du parquet général d'Indonésie. Jeudi, il a déclaré que l'ordre avait été donné de préparer l'exécution de dix condamnés, dont neuf étrangers (de France, d'Australie, du Brésil, du Nigeria, du Ghana et des Philippines), pour trafic de stupéfiants. Vendredi, il a convoqué les ambassades concernées pour qu'elles envoient samedi un représentant à la prison où les détenus attendent le macabre décompte. Une fois l'ordre formel donné, les exécutions auront lieu dans les soixante-douze heures. Pour cela, le ministère public attend que la Cour suprême se prononce sur l'ultime recours du seul Indonésien de la liste. Son verdict pourrait intervenir lundi. «Nous espérons que la décision va être rendue le plus vite possible pour que nous puissions fixer le jour J», a précisé l'aimable Tony Spontana.

Les protestations internationales n’y ont rien fait : les dix, dont le Français Serge Atlaoui, seront passés par les armes selon le bon vouloir du président, Joko Widodo. La seule femme concernée, la Philippine Mary Jane Veloso, a été transférée vendredi vers la prison insulaire de Nusakambangan, où opère le peloton d’exécution. Incarcéré depuis dix ans, condamné à mort depuis huit ans, Serge Atlaoui est un soudeur de 51 ans, père de quatre enfants, qui, selon sa version des fais, avait cru trouver un bon job dans une usine, payé 2 000 dollars (1 846 euros) la semaine, sans savoir qu’elle devait produire de l’ecstasy. Ses proches appellent à deux rassemblements de soutien, samedi à 15 heures (1).

Son exécution serait «un meurtre d'Etat», a affirmé l'ex-ministre de la Justice Robert Badinter. «On ne peut pas admettre que pour des raisons qui sont largement politiques - c'est une campagne qui a été faite -, un de nos ressortissants perde la vie», a estimé vendredi Laurent Fabius. «Lutter contre le trafic de drogue, bien sûr, mais ce n'est pas en faisant un déni de justice qu'on y parviendra», a ajouté le ministre des Affaires étrangères, prévenant de «conséquences lourdes» pour l'Indonésie en cas d'exécution. Mais le président Widodo, qui a déjà fait procéder à six mises à mort (dont cinq étrangers) en janvier, se sert de ces affaires pour se bâtir une image de fermeté, et la majeure partie de l'opinion indonésienne l'approuve.

(1) A Paris (place Edmond-Michelet, près de Beaubourg) et à Metz (hôtel de ville), sa ville d’origine.