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Libération
Décryptage

«Aucun suspense», avant l'élection présidentielle au Kazakhstan

Appelés aux urnes ce dimanche, les Kazakhs rééliront très probablement leur président sortant, Noursoultan Nazarbaïev, au pouvoir depuis 1991.
Noursoultan Nazarbaev, président sortant et candidat à l'élection du 26 avril, sur une affiche de campagne à Almaty, au Kazakhstan. (Photo Shamil Zhumatov. Reuters)
par Manon Bouriaud
publié le 26 avril 2015 à 12h51

«Noursoultan a fixé la date de sa réélection», clamait le journal moscovite Nezavissimaïa Gazeta courant mars, en réaction à l'avancement de la date de l'élection présidentielle au Kazakhstan par le président au pouvoir. Le scrutin se tiendra ce dimanche 26 avril, au lieu de décembre 2016, comme prévu initialement. Désigné en 2014 comme  «dictateur de l'année» par diverses Ong dénonçant son autoritarisme sans faille, la répression des oppositions et la corruption de son régime, Noursoultan Nazarbaïev va entammer un cinquième mandat dans ce qui est de fait une présidence à vie. Elu président pour la première fois en 1991 - il était alors le seul candidat -, Noursoultan Nazarbaïev a depuis été réélu en 1999, 2005 et 2011, chaque fois avec des scores spectaculaires dépassant les 80% des voix. Ces élections n'ont cependant jamais été reconnues comme ayant été libres et justes par les observateurs internationaux

Pourquoi la date du scrutin a-t-elle été avancée ? 

Officiellement, le gouvernement veut mobiliser le pays autour de questions économiques et sécuritaires. Noursoultan Nazarbaïev estime que les sanctions économiques contre la Russie ont des conséquences sur l'économie du pays et qu'il est donc essentiel de «consolider la croissance économique». En tant que deuxième producteur de pétrole parmi les pays de l'ex-union soviétique, «le Kazakhstan a souffert de la chute du prix de l'or noir», explique Samuel Carcanague, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Le président kazakh a également fait part de son inquiétude quant à la menace islamiste en provenance d'Afghanistan et de l'organisation Etat islamique (EI), une menace «toute relative, selon le spécialiste de l'aire post-soviétique. Les gouvernements locaux annoncent régulièrement un regain de radicalisation dans le pays. Il y a certes des signes d'islamisation au Kazakhstan, mais ils font l'almagame dans un intérêt politique». De cette façon, l'Etat devient un «rempart» contre la menace islamique.

Officieusement, le Président a avancé la date du scrutin pour une tout autre raison : «Noursoultan Nazarbaïev voulait rappeler sa légitimité en recommençant un nouveau cycle et s'assurer du soutien de la population», argue le spécialiste.

Qui sont les candidats ? 

Sur les 22 candidatures déposées auprès de la Commission centrale électorale, seules trois ont été retenues. Le président actuel, Noursoultan Nazarbaïev, aura attendu la dernière ligne droite pour se déclarer officiellement candidat à la course présidentielle. L'homme de 74 ans est au pouvoir depuis 1991, année où le Kazakhstan est devenu indépendant. En 2007, afin d'assurer «la continuité des politiques», il a fait modifier la Constitution, qui limitait le nombre de mandats successifs possibles à deux. «Aujourd'hui, Noursoultan Nazarbaïev est assuré de pouvoir se présenter autant de fois qu'il le souhaite», raconte Samuel Carcanague.

Face à lui, Turgun Syzdykov, candidat du Parti communiste des peuples, foncièrement opposé à la culture occidentale et aux fast-foods, et Abelgazi Kussainov, directeur de la Fédération des syndicats du Kazakhstan et ancien gouverneur régional, dont les préoccupations sont d’ordres environnemental et industriel.

Quel résultat en attendre ?

«Noursoultan Nazarbaïev va être réélu pour un cinquième mandat consécutif, regrette Samuel Carcanague. Il n'y a aucun suspense concernant le résultat de cette élection présidentielle anticipée.» S'il avait annoncé lors d'une interview en mars qu'il était «temps de changer de décor», le président au pouvoir semble s'être ravisé depuis. Et bien que ses deux opposants soient des figures politiques connues du public, ils n'ont aucun poids électoral. «Lors de la campagne, les médias n'ont pas mentionné les autres candidats, explique le chercheur à l'Iris. Il n'y a d'ailleurs pas eu vraiment de campagne pendant les trente jours qui ont précédé l'élection.»

Samuel Carcanague est catégorique : Noursoultan Nazarbaïev sera réélu, «il ne reste plus qu'à savoir dans quelle proportion» (en 2011, il avait été réélu avec 95,5% des voix). Il est très probable que l'homme fort du Kazakhstan remporte l'élection avec un large score. «D'autant plus que les administrés n'hésitent pas à faire du bourrage d'urnes pour se faire bien voir.» Un changement de dirigeant serait donc impossible ? «Il y a très peu de chance que ça arrive, conclut Samuel Carcanague. Si un changement doit avoir lieu, il ne se fera pas par les urnes. La passation de pouvoir au Kazakhstan ne se fera qu'après la mort de Noursoultan Nazarbaïev.»